Enregistré en 1974,
Inside-Outside Reflections aurait pu chercher dans la précipitation à combler un peu le retard du free européen. Mais l’œuvre a plutôt profité du sang froid de
Dieter Scherf, multi instrumentiste éclatant et leader ingénieux d’un trio dans lequel on pouvait retrouver le contrebassiste
Jacek Bednarek, et un tout jeune
Paul Lovens à la batterie.
Introspectif et délicat,
Scherf pose d’abord sa clarinette basse sur les percussions nerveuses de
Lovens (
Innen-Außenspielgelungen) avant d’entamer à l’alto une conversation épicée avec
Bednacek - le saxophoniste insistant jusqu’à la colère pour emporter tout à fait la joute (
Daijededa). Courent ensuite quelques répétitions bousculées au besoin par la virulence obligatoire (
Atemzirkulation), une progression atmosphérique menée au son des basses lugubres sorties d’un piano derrière lequel s’est posté
Scherf sur
Klänge über linie, ou des accalmies que l’on ménage entre des interventions criantes de ressemblance avec le vibrato d’
Albert Ayler (
Drum und dran).
Drum und dran, encore, pour sa sonorité impressionnante, novatrice, faite de cymbales insatiables bien qu’étouffées et des aigus extrêmes d’un saxophone baryton.
Prozess, lui, nous permet de découvrir l’effet de telles décisions sur un public distrait. Martyrisée, la contrebasse introduit une pièce exutoire, provocatrice sûrement. Une musique propulsée, mais tirant partie, une fois de plus, des pauses concédées.
Si le free jazz, en Europe, avait valeur de contre-culture que des musiciens pas tout à fait comme les autres prenaient plaisir à convoiter, celui du trio de
Dieter Scherf offre un quelque chose en plus pour avoir été serti de nuances. Jusqu’à trouver son meilleur dans les mouvements lents. L’indéniable force dans l’approche sereine du probable chaos ; qui arrive bientôt ; pour enfin s’effacer tout à fait devant les douces excuses.
Chroniqué par
Grisli
le 30/11/2005