Après trois albums menés en leader pour les labels Avant et Tzadik, la violoniste
Jenny Scheinman continue d’interroger son univers singulier sur
12 Songs. A sept, cette fois-ci, elle a choisi de défendre une musique faite aussi bien de jazz que de folk, obnubilée par les danses languissantes et le cinéma en noir et blanc.
Auprès d’un
Bill Frisell qui a laissé de côté ses stridences démonstratives, elle pose en guise d’introduction une valse jouant des unissons (
The Frog Threw His Head Back and Laughed). Si le vibrato de guitare et le rythme las réverbéré évoquent les traitements du Twin Peaks de
Badalamenti, c’est que
Scheinman a pris note des multiples cousinages folkloriques d’Amérique du Nord, naturels comme artificiels.
Les ambiances peintes au lavis (
She Couldn’t Believe It Was True) côtoient alors les illustrations sonores de saynètes invisibles sorties du piano de
Rachelle Garniez (
Satelite). Motivées par une autre vision des choses, les compositions peuvent aussi pécher par naïveté : sur la forme, lorsqu’elles font allégeance au tout électrique au point de noyer les interventions réfléchies du clarinettiste
Doug Wieselman (
Song of the Agen Road) ; sur le fond, lorsqu’elles insistent pour mettre la main sur une gigue ou un calypso pourtant inaccessibles (
Suza,
Little Calypso).
Heureusement, auprès des attentes stylistiques, se glissent des folies minuscules porteuses d’instants meilleurs. La fleur à l’instrument, les musiciens suivent le pas d’une marche absurde au violon tremblant, à la clarinette récalcitrante (
Moe Hawk). Et la trompette de
Ron Miles de faire briller l’ensemble, sur un hommage à
Ayler (
Albert) ou le temps nécessaire au dernier envol (
June 21).
Au final, 2 X 2 partis pris assemblés malgré les différences : les jeux électrique / acoustique d’une enfante sage / frondeuse. Hésitant entre les impressions délicates et l’exploration fantaisiste de mondes branlants,
Jenny Scheinman a placé son
12 Songs sous le signe du flou artistique, capable quand même de laisser place au net, pour convaincre plusieurs fois d’un talent évident.
Chroniqué par
Grisli
le 08/11/2005