Donnant déjà beaucoup au sein de son
Spontaneous Music Ensemble, le batteur
John Stevens trouvait encore le temps d'encourager quelques jeunes musiciens à la persévérance. Au Crawley Jazz Festival de 1992, par exemple, où il mena en quartet un set remarquable bientôt transformé par The Jazz Label en disque de référence. La réédition qu'en propose aujourd'hui Emanem valant confirmation.
A l'ouverture comme à la fermeture,
Dudu's Gone est une sorte de cool frénétique sur lequel le trompettiste
Byron Wallen se démarque par sa maîtrise. Incorporant quelques citations choisies à son phrasé, il joue aussi calmement des dissonances, avant de laisser tout l'espace au ténor d'
Ed Jones, qui tirera son épingle du jeu un peu plus tard.
Hanté par le
Ramblin d'
Ornette Coleman,
Stevens a imaginé
Do Be Up, exploitation tonale d'un thème fait de 3 notes que trompette et saxophone imposent à l'unisson. La contrebasse de
Gary Crosby s'occupant de maintenir les fondations du thème, les musiciens restant se permettent quelques fantaisies de qualité : incartades free de
Jones, effluves orientalistes de
Wallen, ou progressions à étages de
Stevens, débouchant bientôt sur un solo raffiné.
Tirant sa substance des arrangements de
Lonnie's Lament de
Coltrane,
You're Life est un hommage appuyé au maître (le son du ténor de
Jones y faisant d'ailleurs plus que référence). Envoûtante, la section rythmique répète à l'envi un schéma sur lequel
Jones et
Wallen rivalisent de tentatives effrontées. Comme sur
2 Free 1, d'ailleurs, composition interrogeant les possibilités rythmiques : répétitions, coupes sèches ou accélérations. Plus dense, sous une tension qui bientôt défendra un chaos conclusif, elle tranche, malicieuse, avec la musique donnée jusqu'ici.
Jubilatoire, celle-ci aura su fantasmer un
Chet Baker assez malin pour s'en sortir sur les élucubrations d'un
Rashied Ali, comme confirmer l'irréprochable talent de leader de
John Stevens. Guidant ses partenaires sans jamais les contraindre. Les révélant enfin.
Chroniqué par
Grisli
le 20/08/2005