Philipp Bückle, l'individu qui se cache derrière le nom
Teamforest, nous a bien eu. On se laisse prendre facilement par la mélancolie de son folk électronique enrobé de pop. Facilement mais par surprise, sans doute parce que Philipp peine encore un peu à se détacher de ses brillants modèles,
Four Tet et
Hood en tête.
Alors pourquoi se laisse-t-on prendre au piège ? Sans doute à cause de la simplicité presque muette de cet EP, qui mêle de façon désordonnée instruments acoustiques, électronique, pop, et une sensibilité hip hop bienvenue. Des contrastes inattendus jaillissent de ce mélange comme sur
Grounded for the weekend, où un break en boucle fait office de rythmique à l'intérieur d'un morceau folk et pop, tandis que des voix déstructurées s'accompagnent de scratches discrets sur ce même morceau ainsi que sur
Not of a similar type. Mais tout cela ne serait guère original si Philipp ne faisait montre de cette nonchalance de tous les instants, qui fait le charme et l'authenticité des bons disques folks : une sorte de total abandon à soi-même et sa propre mélancolie, dans une intimité presque complète qui autorise ces voix traînantes (
Grounded,
Cold ou
Do you like it when the sun tickles your nose ?), et ce chant presque faux qui est gage de justesse émotionnelle.
Parfois la production s'étoffe, comme sur
Alison, reprise de
Slowdive qui mêle arpèges de guitare shoegazer et cristallins, rythmiques click'n'cut déstructurées et dialogue chanté de voix au bord de l'effacement.
Not of a similar type quant à lui retrouve une humeur qui rappelle
Hood, avec ses charleys et son pianos filtrés, ainsi que sa basse saturée aux sonorités de moog. Sur presque tous les morceaux, un mélodica réverbéré dessine un espace de hautes plaines dans cette pop intimiste.
Le mélange de formes et d'approches musicales favorisant volontiers les anachronismes, le suranné et l'indolence fera donc mouche ou ne fera pas. Philipp Bückle a d'honorables modèles, il le sait et en joue : ainsi des vocaux qui ouvrent et ferment
Grounded, dans lesquels l'élaboration du son se réfléchit : "What is this ? this is horrible ! – This is a crappy intro…" échangent Jessica Bailiff et une voix masculine en entendant les sautes et déconstructions des premières mesures. Aucune complaisance dans cette manière d'exhiber des techniques de production en vogue mais une façon de se tenir dans un décalage permanent où l'électronique, utilisée davantage comme un outil de montage et de filtrage qu'un instrument à proprement parler – l'EP étant élaboré principalement à partir de guitares, mélodica, et piano, auxquels s'ajoutent la section rythmique – se révèle être d'abord un outil bancal et défaillant, avant de se mettre réellement au service de ces cinq chansons jamais totalement sûres d'elles-mêmes : "We didn't expect much… but something more groovy would have been nice…" conclue
Grounded, et ce pourra être le sentiment des plus rétifs au folktronica. Mais tous peuvent se laisser gagner par les petits riens de ce
Let's Get Away From Here EP, distribué gratuitement sur le netlabel
Starving But Happy !.
PS : Le site de Starving but happy est momentanément down mais vous pouvez trouver l'EP sur
Scene.org.
Chroniqué par
Mathias
le 29/06/2005