Se plonger dans un nouvel album de
Sole n’est jamais une mince affaire et nécessite un état d'esprit particulier, du moins si on espère voir le disque se terminer sans pousser un long soupir de soulagement. Avec l'arrivée des beaux jours, j'avoue ne pas avoir été franchement emballé à l'idée de retrouver les atmosphères complexes et pesantes qui avaient fait le succès de
Selling Live Water et de
The New Human Is Illegal... Et bien mal m'en a pris, car les premiers titres de
Live From Rome dégagent une étonnante subtilité, aussi bien dans la production que dans les rimes du chef de file d’Anticon.
Sur le papier,
Live From Rome était pourtant voué à s’inscrire dans la lignée des précédents albums de
Sole. En effet, on retrouve une fois de plus
Telephone Jim Jesus,
Alias,
Controller 7 et l’inégalable
Odd Nosdam derrière les machines, récemment rejoints par
Tepr, moitié du groupe
Abstrackt Keal Agram. Mais une fois insérée dans le mange-disque, la galette dévoile une maîtrise instrumentale inédite, à l’image des nappes aériennes de
Self Inflicted Wounds ou de
Every Single One Of Us, du folk lo-fi de
Sin Carne et surtout de la basse dévastatrice de
Atheist Jihad. Dans l’ensemble, la production semble s’éloigner des longues envolées de
Selling Live Water pour s’insérer dans un ensemble plus homogène et intimiste, comportant enfin les temps-morts nécessaires pour quiconque désire écouter un disque de
Sole en une seule traite.
Pour ne rien gâcher à la fête, ce dernier semble avoir également tiré les leçons du passé. Débitant sa prose avec plus de réserve, marquant des pauses lorsque le beat retombe, le rappeur évite cette fois les traditionnels reproches à son égard, sans pour autant livrer une copie parfaite. On apprécie évidemment l’esprit critique et le cynisme du personnage, qui n’a pas son pareil pour jouer avec sa réputation de révolutionnaire invétéré en affirmant «I'm not anti-anything, I'm anti-everything, it fits better», mais les sourcils se plissent toutefois devant la démagogie moralisatrice de certains textes. Certes,
Sole écrit son message depuis le centre-même de la nouvelle Rome, parvient à citer simultanément et avec cohérence
Chomsky et
Ice Cube, mais se perd parfois dans une critique devenue récurrente et facile («Why'd we bomb Saddam? We could have bombed Ariel Sharon» sur
Theme).
Probablement que cette dernière remarque sort
Live From Rome de son contexte premier, celui d’une société américaine partagée entre l’indifférence et la culpabilité («CNN plays the fiddle, while america burns, just pray they hear us screaming... Live from Rome... Ain't nothing wrong... Bags under our eyes because our tears need homes») et toujours plus avide de radicalisme. Quoi qu’il en soit, le vétéran de la Bay Area livre ici un pamphlet supplémentaire dans la description de ce malaise, une œuvre écrite sur le vif et orchestrée avec talent, et qui, sans forcément convaincre, mérite tout de même votre curiosité.
Chroniqué par
David Lamon
le 26/03/2005