Contrebassiste élégant et reconnu des années 1960, aussi à l'aise auprès de
Gerry Mulligan que de
Cecil Taylor,
Henry Grimes décida un beau jour d'aller voir ailleurs sans laisser d'adresse. Une parenthèse, celle d'un musicien en sourdine, à ce point discrète qu'en guise d'explication, à la disparition on préféra la mort. Or, d'où on ne revient pas d'habitude,
Henry Grimes a échappé. Est apparu, même, nouveau Lazare, le 5 juin 2004, à Kerava, Finlande.
En trio, qui plus est,
David Murray et
Hamid Drake venus soutenir le contrebassiste dans l'exécution de quatre titres vifs et imparables, que
Spin inaugure. Les premières notes, sereines, s'effacent bientôt au profit des syncopes contrôlées du saxophone de
Murray, et de l'ampleur que prend à chaque instant le jeu de batterie de
Drake. Les pizzicati de
Grimes enlèvent le tout, assènent quelques graves référents, causes d'imbroglios sombres, avant de céder la place à un solo à l'archet aux notes introspectives mais éclairées.
Eighty degrees débute, lui, par un duo entre
Murray - cette fois à la clarinette basse - et
Henry Grimes. Jouant d'entrelacs et de décalages, les musiciens se répondent sur un mode ludique et sobre, que viennent renforcer les ponctuations d'un
Drake disponible, mettant en valeur le jeu de ses partenaires tout en se faisant une place de choix. Au moyen d'un long solo, il insuffle l'énergie salvatrice qui ne quittera pas le trio.
Murray, inventif, retrouve son saxophone, tandis que
Grimes, inspiré, conclut le morceau par des slides choisis tout juste soutenus par les attaques répétitives d'un charleston lointain.
Comme un hommage appuyé, deux titres évoquent enfin un
Albert Ayler respectivement inspiré par le folklore en musique et par le blues. La trame de
Flowers for Albert, établie autour d'une citation alambiquée de
Spirits, l'avale et la digère, sur l'air des lampions : section rythmique coordonnée et attaques libres et enjouées de
Murray. Avec
Blues for Savanah, le trio sert un blues traditionnel, qu'on ne pourra s'empêcher de bousculer un peu à coups mesurés de notes appelant à la mutinerie, qu'encouragent de précieuses ruptures de rythmes.
Live at the Kerava Jazz Festival signe le retour sur disque d'
Henry Grimes en tant que leader. Or, sa subtilité a su mener une barque dans laquelle on ne peut vraiment déceler de sideman tant l'entente est parfaite au sein d'un trio composé de trois générations de musiciens impeccables. La qualité du disque en appelle forcément d'autres à venir. Autant, exigerons-nous, que Lazare, au sortir du tombeau, comptait de bandelettes.
Chroniqué par
Grisli
le 21/01/2005