Au-delà des artifices, la vie est souvent faite de faux-hasards et de rencontres insolites qui engendrent les plus belles histoires.
Hymie’s Basement, projet né de la collaboration entre la naïveté déjantée de
Why? et le nihilisme épuré de
Fog, ne semble pas faire exception à la règle. En effet, la légende raconte que le premier est récemment venu visiter le second à Minneapolis pour une quinzaine de jours, qui auront suffi à réaliser la majorité des titres de leur album éponyme. Véritable conte de fée ou simple "légende urbaine", impossible de nier que l’idée des deux protagonistes aie porté ses fruits, tant ceux-ci ne cessent de se compléter et de se dépasser durant près de quarante-cinq minutes, et ce pour notre plus grand plaisir.
En guise de premier et illusoire rayon de soleil, le voyage débute par l’entraînant
21st Century Pop Song, caractérisé par un refrain des plus accrocheurs, de savoureuses guitares électriques et un couplet où
Why? s’exerce à une digression s’achevant sur les conséquences démographiques de l’explosion d’une bombe... Pas de doute, la machine est lancée, et l’étrange
All Them Boys donne définitivement le ton de l’album à grands coups de chants dissonants, de sons de tambourins et de timides notes de guitare. Rapidement, l’électro-folk lo-fi distillé par les deux compères s’installe à pas feutrés, enchaînant avec douceur les solos de piano à deux doigts de
Fog et les samples oppressants de
Why? dans un univers débordant d’émotion et de mélancolie.
Au paroxysme du crépuscule, les bougies s’allument d’elles-mêmes avec la poésie gémie de
Why?, naviguant sans grande certitude entre les souvenirs d’enfance (
Ben and Joey) et les confessions sentimentales (
The Pump), et avec la voix posée et fragile de
Fog, emprunte aux plus virulentes critiques sociales (
America Too et son explicite : "All american male product shelf-life agony, masturbate your birthday party, if you’re lonely get a lobotomy"). A mesure que les titres défilent, l’atmosphère subtile et inquiétante se précise, et l’auditeur se surprend à s’approprier et à interpréter les textes abstraits des deux musiciens. Cupide personnification en guise de moindre mal, cet ultime effort lui permet d’appréhender toute la subtilité des compositions de
Hymie’s Basement, et de s’offrir un délicieux temps-mort, perdu dans un état second terriblement enivrant. Pas de doute, le groupe peut alors refermer son humble parenthèse le sourire aux lèvres, avec le sentiment d’avoir pu partager en toute simplicité le plaisir ressenti au cours des sessions d’enregistrement.
Certes, quelques morceaux restent barrés à l’extrême (comme le néanmoins superbe
All Them Boys) et repousseront certains auditeurs, qui reprocheront à
Hymie’s Basement cet aspect bancal et hésitant qui a toujours caractérisé les projets respectifs de
Fog et de
Why?. Pourtant, c’est cette honnêteté et cette fragilité qui rend ce disque si beau, si attachant et avant tout profondément humain. Et si vous hésitez encore, prenez-le pour la superbe pochette tout droit sortie du chapeau des magiciens de Lex Records.
Chroniqué par
David Lamon
le 23/03/2004