Rarement disque n'aura laissé une telle impression. Même si la plupart n'y verront qu'un
Dead Can Dance de plus, il faudra bien finir par admettre que le genre musical défendu ici ne leur appartient pas exclusivement. Et rien n'est plus dur que de rendre structurée et acceptable par tous une musique inspirée par la religion, les tendances traditionnelles et ses racines personnelles. C'est pourtant le pari que relève
Irfan, avec une facilité totalement inattendue. On reste bouche-bée devant les orchestrations dramatiques, la richesse instrumentale et la puissance de deux voix hors du commun. Admirablement composés, les 9 titres de cette première production du quatuor bulgare laissent entrevoir un sens de la création très développé et magistral, évitant avec facilité le piège de la linéarité et du convenu. Chaque morceau dispose d'une atmosphère unique, entre ferveur spirituelle, transe mystique et solennité authentique et sincère. Certaines chansons sont de véritables oeuvres d'art, comme
Salome, mêlant percussions tribales et violoncelle sombrissime.
Return to Eden, construit comme une pièce en deux actes, l'un spectral, avec son intro à deux voix, pour le moins fantômatiques, l'autre vivant, grâce à une rythmique soutenue et hypnotique. La superbe envolée mélancolique de
Otkrovenie (déjà découverte sur
Fairy World Vol.1) ou les magnifiques lamentations de
Gospodi pomilui, tirées d'anciens écrits du 13° siècle. Impossible de clore cette chronique sans parler de
Peregrinatio et son chant tourmenté comme l'océan en plein orage et
Outremer, laissant libre champ à un ambient sacré, porté avec grâce par le son du kaval (flûte en bois bulgare). Enfin,
Santa maria achève notre voyage immobile avec une excellente ballade celtique et révérencieuse, dont les paroles sont extraites des "Cantigas de SantaMaria" espagnoles.
Prikosnovenie viendrait-il de dénicher la perle rare avec
Irfan ? Le doute ne tient pas bien longtemps après les 51 minutes du CD. Une fois encore, le passé rejoint le présent pour une réalisation prodigieuse et de grande qualité musicale. Indispensable.
Chroniqué par
Yragael
le 17/02/2004