Je ne compte plus les albums de
31Knots. Il y en a un tous les ans, ou presque. Celui-ci est différent des autres, mais tout aussi mortel.
Mortel parce qu'il est long, ce disque, à se mettre en place. On frôle la déception, devant la forme molle sous laquelle il se présente tout d'abord. Chansons ambiguës, qui hésitent à exister vraiment, traînent un peu alors qu'elles pourraient être plus efficaces (
Candles on Open Water). Belles, mais un peu vaines (
Egg On My Face). C'est parce qu'on ne savait pas, en l'écoutant pour la première fois, qu'il allait être : mortel parce qu'il finit par être trop court, ce disque.
Mortellement long, mais mortellement bon, surtout.
Quarante-cinq minutes, c'est en fait le bon temps entre l'attente, la déception et la satisfaction finale — la jouissance, en fait. Comme
31Knots sur scène : une fois que c'est en place, tu ne veux plus que ça s'arrête. Il y a toujours un moment quand la musique bascule d'une sensation bancale à la sensation de l'évidence, comme s'il ne s'était jamais agi que de ça : chercher le point de basculement. Ici, c'est
Love In The Mean of Heat, qui marque un second temps dans l'album, la voix en tête enfin, et jusqu'à cet instant précis quand elle se mêle totalement et sans réserve, complètement et sans distance à la guitare, ne criant plus qu'une chose : l'amour, à l'évidence. Alors, tout s'éclaire. C'est, en effet, un voyage. Il fallait prendre son temps. Pour une fois.
31Knots ne nous y avait pas habitués. Mais elle est là pourtant, la longue énumération vocale qui précède la répétition d'une seule injonction : "Lève-toi !". À nouveau, l'évidence, enfin (
Stand up).
Et, il est là aussi le titre qui rabat toutes les prétentions :
Get Gone, qui commence par être une ritournelle 8-bits pour finir en un hymne rock parfait, parfaitement binaire, absolu, peut-être le meilleur titre jamais signé par le groupe. Comme une succession de refrains, de breaks, de riffs, qui s'entretiennent sans la moindre faute (de goût). La perfection faite chanson, enfin. Le moins qu'on pouvait attendre de
31Knots. C'est-à-dire : cet ajustement impeccable entre trois accords et une manière de les faire sonner qui leur donne une profondeur inouïe. À son meilleur, d'ailleurs,
31Knots, c'est toujours ça : synthétique et syncrétique, n'excluant rien, ne refusant rien, cherchant toujours le point ultime où tout se rejoint dans une vocalise, dans un riff, dans un rythme, et une affirmation réitérée : "We'll be back again". Évidemment.
Chroniqué par
Jérôme Orsoni
le 01/07/2011