A observer le parcours de Neil Hannon, le choix du pseudonyme derrière lequel notre homme se cache depuis plus de quinze ans prend tous son sens. De son deuxième album,
Liberation, au merveilleux
Casanova,
The Divine Comedy a poursuivi une belle ascension artistique vers un Paradis pop en expansion constante (toujours plus de mélodies, d’arrangements, d’ambition).
Hélas, au moment d’aborder la seconde moitié des années 90, la bulle dans laquelle soufflait Hannon lui explosa au visage, et le précipita sans transition vers l’Enfer, l’espace de deux albums emphatiques et boursouflés.
Depuis, ayant pris conscience des erreurs passées, Neil Hannon fabrique des albums plus humbles, plus simples, comme autant de cartes postales envoyées depuis le Purgatoire dans lequel il semble désormais bloqué. Sur ces disques, le petit génie de la décennie précédente n’apparaît plus jamais ; il a fait place à un artisan doué, capable, à l’occasion, de produire de fort jolies choses, mais malheureusement aussi enclin à mettre en route, de temps à autre, le pilotage automatique.
C’est à cette dernière lignée d’albums qu’appartient
Victory for the Comic Muse. On y retrouve avec plaisir des compositions élevées au grand air (
Mother Dear), un songwriting solide (
Arthur C. Clarke’s Mysterious World), des textes doux-amers dans lesquels on distingue régulièrement quelques pointes d’humour très « tongue-in-cheek », des cordes et des cuivres toujours bien présents, mais beaucoup plus discrets que par le passé (
Diva lady). En somme, en dehors de quelques détails sonores inédits (le saxophone bowiesque de
To Die a Virgin), nous sommes ici en territoire connu, balisé et rassurant.
Malheureusement, comme c’était déjà le cas sur
Absent Friends, on aperçoit également ici des facilités (
The Light of Day, plaisant mais pas très éloigné d’une variété un peu creuse), des redites (une reprise des
Associates qui fait plus qu’évoquer la splendeur passée de
Tonight We Fly, la grâce en moins), et même, en fin d’album, deux morceaux aux mélodies rachitiques, bien indignes de Neil Hannon.
Cet album au titre lourdement symbolique (le premier album de
Divine Comedy s'appelait
Fanfare for the Comic Muse) est sans doute pour Hannon une manière de boucler la boucle, avant de repartir à zéro. Si tel n’était pas le cas, on ne lui en tiendrait cependant pas vraiment rigueur : plus personne n’attend aujourd’hui de lui qu’il écrive un nouveau chef-d’œuvre, et son purgatoire recèle suffisamment de bons moments pour que l’on continue à lui rendre visite régulièrement.
Chroniqué par
Bigmouth
le 30/09/2006