Après l’initial et prometteur
Worst Case Scenario – suivi dans la foulée d’un EP expérimental (
My sister = my clock) –
dEUS étaient attendus au tournant. Convaincu que les tournées successives auront sa peau, Rudy Trouve a entre-temps quitté le groupe, remplacé par Craig Ward. Malgré cette première défection,
dEUS reprennent les choses là où ils les avaient laissées après leur premier album, entre un rock à guitares post-grunge et des échappées pop ou jazz imprévisibles.
In a Bar Under the Sea s’ouvre sur un court air bluesy, parfaite introduction qui rappelle la posologie édictée au début de
Worst Case Scenario. Suit l’impeccable
Fell off the floor, man, première incarnation d’une série de tubes imparables. Mené tambour battant par un rythme alternant batterie et percussions samplées, l’aiguille au compteur oscille entre rock swingant et passages disco, les voix (Barman, Kamils, Ward) entre spoken-words et chant. Le titre suivant,
Opening night, dévoile un autre versant de l’écriture pop du groupe, se profilant comme le premier représentant d’un tiercé de chansons brèves et thématiques. Ici, c’est un minimalisme extrême qui prime, le chant de Barman s’articulant autour d’une ligne de basse monotone. Second tube potentiel,
Theme from Turnpike se bâtit autour d’une rythmique empruntée au
Far Wells, Mill Valley de
Charlie Mingus. Le morceau, étouffant et à la cadence régulière, entremêle rock bruitiste et free-jazz saturé, pour se terminer sur la sentence "No more loud music", scandée jusqu’à l’extinction. Ballade pop pour guitares acoustiques,
Little arithmetics relâche la pression, toute en mélodies aériennes, malgré un passage qui réveillent les amplis en milieu de course. Suivent
Serpentine et
A shocking leaf thereof. Le premier avance au rythme lent d’une mélancolie dépouillée, quand le second se développe dans des ambiances cabossées évoquant l’ombre d’un
Tom Waits des grands jours (auquel la voix de Stef Kamils semble offrir un écho adolescent). Droit derrière, deux titres brefs s’enchaînent, sur le modèle initié par
Opening night. Mais plutôt qu’un minimalisme revendiqué, chacun explore un territoire nouveau : celui d’un easy-listening consumériste parodié pour
Supermarketsong, d’un punk-rock régressif sous amphétamines pour
Memory of a festival. Puis, le superbe
Nine threads emmène l’auditeur sur les rivages des standards d’antan (aux échos d’un
My funny Valentine), pour un morceau tout en retenu où la voix crooneuse à souhaits de Tom Barman dialogue avec une trompette légère, sur quelques accords de guitares. Ultime tube de l’album,
For the roses permet au groupe de renouer avec un rock à guitares mâtiné de boucles de synthé, entre lente montée et déflagration, jusqu’à un final entêtant de répétitions.
Avec ce second album,
dEUS font mieux que de confirmer les beaux espoirs nés de
Worst Case Scenario. Ils transforment l’essai, réussissant au mieux à marier les divers horizons où se perd leur regard, confectionnant un patchwork subtil et équilibré où se retrouvent pop, rock, jazz dans leurs incarnations les plus diverses.
In a Bar Under the Sea contribue à affirmer la suprématie de
dEUS sur la scène rock du vieux continent, devenant les fers de lance d’un indie-rock efficace et érudit, prêt à tordre le coup à la monotonie.
Chroniqué par
Christophe
le 23/09/2005