Une évolution réussie, un album très affiné, une recherche musicale intelligente… Voici en quelques mots les idées qui peuvent vous venir à l’esprit après la troisième écoute d’
Electrified, second album d’
Interlope. Pourquoi après plusieurs écoutes ? Tout simplement parce que l’on s’attend à vibrer sur de la drum’n’bass, comme dans le premier opus
Talk to the beat. On reconnaît aisément la patte artistique de Dragongaz et Rimshot, qui se caractérise par des drones électro nasillards, des rythmes cassés mais harmonieux, des sons digitaux assez dark. Mais il n’est plus question ici de hocher la tête et de sautiller aux rythmes des caisses claires. Concrètement cet album se rapproche plus d’un genre qu’on pourrait qualifier d’abstract break-beat, teinté de hip-hop. La drum’n’bass prendra légèrement place dans le titre
Fundamental et carrément dans
Walk to the walk pour faire plaisir aux puristes du groupe. Quoique…
Si on réfléchit bien, cette réorientation musicale, tout de même plus ou moins annoncée dans leur dernier album, est pertinente. A la première écoute, on est surpris de ne pas entendre de la D&B tout en se rassurant de l’identité musicale abordée ci-dessus : on reconnaît
Interlope. Après un second essai, on analyse un peu plus l’aspect break-beat et hip-hop, on cherche à comprendre l’album dans sa globalité. La troisième tentative ne se justifie pas uniquement parce qu’on a acheté le CD et qu’il faut bien l’amortir ( !), mais par l’intérêt franc qu’on peut ressentir de l’écouter à nouveau. Et là, c’est sublimant. Il ne s’agit plus d’une écoute synthétique mais analytique, et très sérieusement, je me suis entendue dire des « whouah… » « arf ! » « incroyable », notamment pour
Soul electrified,
1948 (Where Are You Dj Fuck?),
Talk The Talk, ou
Can't See You.
Cet album est une cascade, un feu d’artifices de sons enchevêtrés les uns sur les autres, contradictoires mais aux textures tellement complémentaires. Beaucoup de variantes de l’électro y sont présentes. La liste n’est pas exhaustive et vous pourrez tout comme moi vous amuser à décortiquer minutieusement ce florilège de sons tout au long de l’écoute de cet album : drill’n’break, break-beat, abstract hip-hop, clik’n’cut’s, drum’n’bass... Le moindre « blip », la plus petite note digitale fait sourire en coin, tellement c’est bien amené. Des featurings, tels que Jamalski, ici en compagnie de Mc Sk, Waddy Jones alias Mc Totally Rad, et Sibot alias Dj Fuck … apportent une couleur hip-hop à cette production, où aucune place n’est donc laissée à un Mc, mais à des rappeurs.
Certains diront qu’
Electrified manque de chaleur et de relief. Il est évident qu’il est bien moins festif que
Talk to the beat, ne serait-ce que par son genre musical qui se veut plus abstrait. La comparaison serait vaine et inutile…l’un chez Jarring Effects, l’autre chez Expresillion, le premier plus ci le deuxième plus ça. Répétons-le : il s’agit d’une évolution réussie, d’un album très affiné, d’une recherche musicale intelligente. Poussez jusqu’à la troisième écoute. Les fans de break-beat resteront scotchés sur les enceintes, bouche-bée, les fans de drum’n’bass ravis de voir que ce groupe expérimente ses machines au-delà de ce qu’ils ont fait auparavant, les plus hermétiques admettront que c’est du travail d’artistes.
Chroniqué par
Lilo
le 30/12/2004