D'autant plus attendu que son prédécesseur, le somptueux
The Sophtware Slump, fut accueilli avec éloge,
Sumday, nouvel album de
Grandaddy, est un recueil de douze délicieuses "pop songs" aux mélodies obsédantes qui convient à un voyage en apesanteur au-dessus d'un monde onirique. Enregistré en Californie dans une petite maison insonorisée de banlieue, ce troisième opus a été, comme à l'accoutumée, entièrement écrit et produit par Jason Lytle, leader du groupe. Il berce tout l'album de sa sublime voix suave, lo-fi par moments, qui évoque inévitablement celle de Jonathan Donahue ou de Wayne Coyne, chanteurs respectifs de
Mercury Rev et de
The Flaming Lips. La parenté musicale des trois groupes ne se dément pas tant plane toujours l'ombre psychédélique du génial
Syd Barrett.
Construits essentiellement autour de la voix de Jason Lytle, toujours mise en avant, les morceaux de
Sumday se succèdent paisiblement, sans heurt, ni violence. Le quintet de Modesto conserve depuis ses débuts une instrumentation devenue classique : guitare, basse, batterie et synthé, le tout saupoudré avec parcimonie d'une électro rétro. Eclipsant passagèrement le chant, les déchaînements électriques de guitare de Jim Fairchild apportent une rugosité et une énergie salutaire, sans quoi le son de ce nouvel album aurait été trop homogène, trop lisse, sans aucune aspérité à laquelle se raccrocher. Le puissant
Lost on Yer Merry Way est exemplaire ; un chant subtile capable de milles nuances et un morceau complexe où se relayent une guitare acoustique entêtante et une électrique débridée avec beaucoup de réverbération, des moments posés et d'autres plus fougueux, la douceur et la rage... Le bonheur ne se définit pas par un grand calme, mais plutôt par la sensation d'être terriblement vivant.
Lost on Yer Merry Way procure cette sensation.
La musique de
Grandaddy n'est pas la pop naïve et candide que l'on croit entendre au premier abord ; au travers d'émouvantes petites scènes sibyllines, les textes dépeignent admirablement les sentiments sombres du coeur humain. En effet, si quiétude et sérénité traversent
Sumday, ce sont surtout spleen et nostalgie qui en émanent... "Now I walk alone through howling winds / Fast food bags wrapped 'round my shins / Rememberin' / Wonderin' / In this life, will I ever see you again?" (
Yeah Is What We Had). Le crépusculaire et magnifique
O.K. With My Decay évoque la détresse, l'impuissance face à sa propre déchéance, sa propre pourriture... et en définitive son acceptation. Le morceau débute sur la pesante noirceur d'une électro morose accompagnée d'un leitmotiv décadent au piano pour s'élever crescendo, au rythme d'une cymbale agitée et de choeurs célestes, à une déflagration extatique et fusionnel, d'une beauté hypnotique et s'achève lové dans le vent au sein des nuages.
Même si la pop acidulée de
Sumday ne retrouve pas entièrement la magie et la force émotive de
The Sophtware Slump, elle reste dans la continuité de ce qui reste aujourd'hui le chef d'oeuvre de
Grandaddy. Le charme agit toujours.
Chroniqué par
dfghfgh
le 13/08/2003