Après une flopée d'albums passés hélas inaperçus dans nos contrées,
Water From Your Eyes nous avait largement enthousiasmé avec leur
Everyone's Crushed de 2023, un album d'indie-rock fou(traque) voyant même le duo new-yorkais rejoindre le catalogue de l'une des valeurs sûres du genre, Matador. Nous attendions donc le groupe au tournant et ce sont des sensations assez contradictoires qui nous traversent à l'écoute de ce nouvel album, quand bien même
Water From Your Eyes nous avait déjà habitué à la déroute.
It's A Beautiful Place est d'une part décevant par son manque de matière, l'album a même des allures d'EP que l'on aurait gonflé d'interludes plus ou moins dispensables afin qu'il puisse entrer dans la catégorie LP et profiter ainsi d'une meilleure distribution. Mais ce gros EP sait d'autre part stimuler l'auditeur par la remarquable identité musicale qu'il dégage néanmoins. Ou pour le dire plus directement :
It's A Beautiful Place est un album en demi-teinte d'un groupe à l'évidence unique mettant toujours autant à l'épreuve les formes balisées de la pop, du rock et de l'électro via des compositions savantes à la croisées des genres.
Water From Your Eyes tire principalement son épingle du jeu lorsqu'il s'agit de rendre digeste de grands capharnaüms sonores que l'on croirait inextricables. C'est notamment le cas sur les trois sommets de l'album, trois chansons retorses que la voix mi-chantée mi-parlée de
Rachel Brown n'aide pas forcément à adoucir et dans lesquelles le groupe se plaît à décortiquer les rythmes et les mélodies afin de mieux les retricoter à sa manière. Sortons ainsi du lot
Life Signs pour ses envolées pop et ses guitares électriques à la
Robert Fripp, puis
Spaceship pour son ambiance electro-dance-bizarre évoquant la production du
m b v de
My Bloody Valentine dans son dernier tiers, et enfin
Playing Classics pour sa ritournelle alambiquée mais diablement entêtante.
Le duo nous offre pour le reste des titres plus convenus flirtant efficacement avec le shoegaze (
Nights In Amor, Born 2) avant de terminer sa course sur un morceau americana simple et touchant que n'aurait pas renié
Big Thief (
Blood On The Dollar). Et puis c'est tout. Mais de quoi se plaint-on ?
It's A Beautiful Place est certes moins renversant que
Everyone's Crushed mais reste indéniablement l'œuvre d'un groupe libre, précieux et coriace, soit un oiseau rare qu'il faut savoir préserver.
Chroniqué par
Romain
le 27/08/2025