Plateforme #1, publié chez Baskaru, rassemble trois pièces que Laurent Perrier a conçu à partir de matériaux sonores que lui ont fournis trois artistes aux univers bien distincts : Felix Kubin, Lawrence English et Gianluca Becuzzi. Chaque pièce porte donc le nom du musicien dont les sonorités sont déclinées puis réaménagées par le Français. Le résultat, c'est un recueil de compositions de musique concrète ou acousmatique, les matériaux sources étant systématiquement et savamment recombinés ou déconstruits jusqu'à former des pièces abstraites aux contours narratifs dont il n'est plus possible de cerner l'origine.
C'est donc un cadre relativement strict que s'est imposé ici le musicien français, plus habitué aux contextes techno ou electronica (avec ses avatars Zonk't, Heal ou Pylône) : évoluer au travers des seuls matériaux sonores que l'artiste/collaborateur aura bien voulu lui transmettre. Mais le recours aux techniques ou aux dispositifs de la musique concrète lui permet rapidement de s'affranchir de toutes limitations et d'élaborer un rapport intime et parfois divergeant aux sources mises à sa disposition.
Par exemple, si les deux pièces dédiées à Lawrence English et Gianluca Becuzzi — lentes litanies de drones pour l'un, entrechoques narratifs de micro-sons pour l'autre — restent fidèles à l'esthétique respective des deux musiciens, le morceau que consacre Laurent Perrier à Felix Kubin détonne complètement. À la fois, l'esthétique délibérément explosée choisie par le français fait écho à l'œuvre foisonnante du dada allemand, mais elle la subvertit dans un même temps en faisant se démettre ses sonorités puis en les télescopant violemment tels des blocs d'atmosphères, alternant les moments de tension et de relâchement, jouant des contrastes ou des faux raccords, des sursauts et des fondus avec une certaine maestria.
Plateforme #1 est le premier opus d'une trilogie que poursuivront Plateforme #2 en 2015 et Plateforme #3 en 2016.
