James Ferraro a mauvaise réputation : celle d’un fumiste post-moderne, jeune érudit biberonné à la soupe eighties, dont la musique effrénée manque cruellement d’âme. Un constat légitime mais péremptoire, quand on connaît le but avoué du musicien de retranscrire la schizophrénie occidentale moderne, débonnaire et impersonnelle.
Logique donc que sa musique paraisse artificielle, mais regrettable qu’elle soit taxée de vacuité, lorsqu’elle épouse simplement la vision de son géniteur. Album après album, Ferraro érige cette superficialité en leitmotiv, sonneries skype, jingles publicitaires et synthés new age formant la chair de sa musique.
NYC, Hell 3.00 AM est l’album du compromis, du renouvellement. Ici, Ferraro s’éloigne enfin du vortex numérique devenu sa marque de fabrique pour s’acoquiner à une forme musicale plus calme, traditionnelle, mais non moins intègre.
Il lève ici le masque faussement joyeux qui couvrait jusqu’alors ses disques pour dévoiler dans le plus simple appareil sa vision de la société : NYC, Hell 3.00 AM baigne dans une ambiance nocturne et urbaine digne d’un Thomas Köner période La Barca. Mais surtout, James Ferraro y déploie une musique plus ostensible, débarrassée de tout gadget pop.
Apparaît alors une musique fiévreuse, à mi-chemin entre R’n’B agonisant et trip hop fait main, noyée dans un dark ambient électrique qui souligne le tout avec justesse.
Car ici la critique de la société moderne, thème passablement éculée, n’est pas un message en soi, mais une toile de fond, avec en ligne de mire le World Trade Center et l’Amérique née de ses cendres.
La plupart des morceaux exaltent des consonances moyen-orientales, ajoutant encore au malaise d’un disque assurément obscur, mais qui n’offre pas moins des perles de compositions. Des voix robotiques et autres extraits d’appels radio liés aux attentats apportent une réalité à ces morceaux éthérés, qui filent droit vers les tréfonds d’un New York blafard, multiculturel, aux rues bondées par les sorties de boîte.
Une musique de gueule de bois qui rappelle forcement Hype Williams, au fin fond de laquelle résonne parfois timidement une sonnerie skype, qui synthétise à elle seule la philosophie de l’album : la technologie peut mourir, la musique persiste. Et le génie de Ferraro, par là même.
Chroniqué par
Matthias Fuchs
le 21/11/2013