La collaboration entre les Allemands
Alva Noto et
Blixa Bargeld débutent en 2007 lors d'un festival à San Francisco. Trois années et un Ep plus tard (
Ret Marut Handshake), la tête chercheuse de l'électronique germanique et le dandy dada d'
Einstürzende Neubauten nous présentent enfin leur premier album :
Mimikry.
Aux vues de l'attente qu'il a engendrée,
Mimikry a tout d'un duel au sommet. Après une pièce introductive tâtonnante et fébrile (
Fall), on entre véritablement dans le vif du sujet avec
Once Again, morceau sur lequel
Bargeld se démène contre les rythmiques implacables de son partenaire. Il en sera de même sur le brûlot épileptique
Ret Marut Handsake qui donne plus généreusement encore dans la schizophrénie et le grésillement de ligne à haute tension.
Le ton est donné.
Noto et
Bargeld ne cessent de repenser le song-writing tels de véritables architectes, nous plongeant dans un trip suburbain grandiloquent et mental à la fois.
Noto tout particulièrement, démontre une vraie maestria pour construire, avec la précision froide qu'on lui connaît, de véritables perles post-modernistes aux résonances parfois presque pop (le titre éponyme
Mimikry et son atmosphère lugubre, en est un parfait exemple). Écrins parfaits pour les interventions de l'imprévisible
Bargeld, particulièrement en verve tout au long de l’album.
L'enthousiasme des deux artistes, leur folie créatrice ont vite fait d’emporter tout sur leur passage. Chaque titre surprend, déconcerte l’auditeur. Et méfiance pour qui se targuera d’en avoir fait le tour en une seule écoute :
Mimikry est un véritable mille feuilles de sonorités, de thèmes électroniques sauvages autant qu’audacieux, qui évoluent à chaque fois qu’on y goûte.
Il n'y a qu'à regarder de plus près les surprenantes reprises de
One et
I Wish I Was A Mole In The Ground pour comprendre. Elles renaissent entièrement transfigurées : la première en ballade délicieusement abstraite, la seconde en comptine au ton insidieux.
A côté de ça,
Bersteinzimmer ou
Berghain trahissent l'influence de la musique d'
Einstürzende Neubauten, son côté autant crépusculaire qu'inflammable. Mais pas de relâche à signaler, ces dernières portent bien le sceau
ANBB, qu'on reconnaîtra désormais entre mille. Au tournant,
Wust enfonce le clou grâce aux fameux hurlements suraigus de
Bargeld vampirisés, manipulés sournoisement par les doigts invisibles de
Noto derrière son laptop.
L’album se clôt enfin sur le délirant
Katze : un morceau une fois de plus hanté, sur lequel on retrouve au côté de
Bargeld, l'égérie
Veruschka (découverte dans le mythique
Blow Up d'
Antonioni)! Pour dire une dernière fois la fraîcheur, l’inventivité et la poésie violente de cette musique portée par deux des figures de proue de l’underground berlinois.