Un poème musical. Si j'osais, je dirais que c'est ça
Ghosts will come and kiss your eyes. Léger, lent, lancinant, langoureux comme un poison, grandes lignes sinueuses qui semblent n'aller nulle part, drones d'abord, mélodies ensuite. Élégie, adresse faite aux vivants depuis la mort.
On dira que depuis
L'éclat du ciel était insoutenable, c'est typiquement le genre d'atmosphères auquel Mike Moya nous a habitués.
Or, ici, c'est un plus grand sentiment d'unité qui se manifeste. Des ronronnements et des sons de sirènes d'
Entre la mer et l'eau douce jusqu'à l'incroyable reprise des
Bee Gees :
Holiday, reprise sans la moindre ironie, sans la moindre distance, simplement la guitare et la voix perdues de Moya, tout se tient. Ainsi, rares sont les passages lors desquels la tension monte, la musique gronde (le grandiose
Hechicero Del Bosque et l'obstiné et entêtant
Kotori). Encore plus intimiste que ses prédécesseurs,
Ghosts will come and kiss your eyes, s'il n'est pas en soi plus abouti qu'eux, a pourtant quelque chose de plus. Quelque chose qui a sans doute le parfum de l'ennui et de l'air désabusé du dandy qui s'abandonne. Paradoxe certainement quand on sait d'où vient Mike Moya, mais comment ne pas l'entendre cependant ?
En effet, celui qui écoutera ce disque comme un énième disque de "post-rock" n'y entendra tout simplement rien parce qu'il y cherchera quelque chose qui ne peut pas s'y trouver puisque son auteur semble l'avoir abandonné en cours de route. Et, si quelques sons à la
Godspeed You ! Black Emperor sont encore audibles (
Saturn of chagrin), ils sont à ce point hors de leur contexte qu'ils n'ont presque plus rien de commun avec eux, si ce n'est celui qui en est sans doute l'inventeur. Signe, à mon sens, que Mike Moya a trouvé son répertoire, sa grammaire musicale qui lui permet d'exister sans craindre la comparaison, d'être lui-même et de tirer de ses caractéristiques (dans lesquelles on peut entendre, si l'on veut, des défauts — la voix) la racine d'une œuvre originale et, en l'occurrence, tout simplement belle.
Chroniqué par
Jérôme Orsoni
le 14/01/2008