La musique de
La Diagonale Du Fou est en quelque sorte une musique fondamentale. J'entends par là une musique dont les structures sont assises, posées dans l'être, inscrites dans l'espace sonore comme son niveau primitif. D'où la lourdeur manifeste de la musique. D'où la contradiction apparente entre ce qui, en premier lieu, frappe à proprement parler dans cet EP et son nom de baptême :
La Forme Du Vent, plus prompt à évoquer l'impalpable, la forme — opposable à la matière — et, qui plus est, celle du vent, qui n'est qu'un souffle qu'on ne saisit que par ses effets. Effets dont pourrait bien faire partie le tronc renversé qui orne la pochette de l'EP.
Il est vrai que la minute et trente secondes de
Floe, bien que construite sur un contraste, ne laisse guère envisager une musique subtile, mais plutôt établie sur la force, la puissance, la distorsion instrumentale. Or, d'une part les samples (
Yardang et
Dunn), gémissements féminins ou extrait d'un film, viennent agrémenter la musique d'une richesse extérieure. Et, d'autre part la variété des rythmes, la multiplicité des périodes, les variations d'intensité, les crescendos et decrescendos au sein d'une atmosphère générale qui, pour établie qu'elle est sur la puissance pourra finalement — et, à tort, veut-on croire — paraître violente, donnent à la musique de
LDDF une dimension particulièrement complexe (écouter notamment
Hybride dont le titre n'est pas indifférent ou encore ce break de
Subterfuge qui n'en finit pas de s'augmenter avec jubilation). Complexe, c'est-à-dire édifiant à partir d'éléments simples, carrés et bien délimités dans le temps, des constructions amples et bien plus raffinées que le son "métallique" ne le laisse présager lors d'une écoute distraite.
Si la forme du vent n'apparaît que dans ce qu'il déracine, la forme de la musique, elle, apparaît dans sa matière. Et, ici, moins dans le style — qui, c'est certain, en rebutera plus d'un — que dans ce qu'on en fait. La composition avec ces éléments de style, l'agencement des parties, la fabrication de dynamiques élaborées. Or, en cette matière, c'est un fait,
LDDF excelle car, ses membres, réduits au minimum du trio guitare-basse-batterie parviennent à imposer leur identité au-delà des genres, des styles perceptibles.
Chroniqué par
Jérôme Orsoni
le 26/11/2006