Fauve est le projet d’un seul homme, Nicolas Julliard, multi-instrumentiste suisse dont on imagine, à l’écoute de ce premier album, qu’il a moins choisi son pseudonyme en référence à l’animal qu’au mouvement pictural du même nom. En effet, ici, point de bestialité (le raffinement domine d’un bout à l’autre du disque), mais plutôt une utilisation judicieuse des couleurs, traduites en musique par des arrangements très variés et très soignés, qui donnent à chaque titre des textures et une ambiance bien spécifiques.
Les paysages sonores ainsi esquissés défilent de manière aléatoire mais étonnamment réjouissante : passée une impressionnante ouverture façon
Rock Bottom (
Cyberite), on découvre des ballades mélancoliques (
You’re Beautiful, superbe), un exercice de style exotica (
Three Magic Words, probable hommage à
Martin Denny), une popsong jazzy qu’on croirait issue des monumentales archives d’
Andy Partridge (
After the Tongue)...
Ce coq-à-l’âne musical donne à l’album de
Fauve un aspect quelque peu décousu, et les morceaux ne semblent souvent reliés entre eux que par la voix de crooner timide de Julliard. Pourtant, paradoxalement, le caractère éclaté de ce disque en est sans doute aussi la principale richesse ; en effet, le songwriting de
Fauve, habile et agréable, n’atteint réellement des sommets que lorsqu’il fait se téléscoper plusieurs univers musicaux au sein d’une même chanson. Ainsi,
Silent Witness évolue autour d’un canevas harmonique plutôt sombre et impressionnant, que vient bousculer un refrain tubesque, aiguillonné par une wah-wah presque funky ; plus loin, c’est une guitare saturée qui fait soudain irruption dans les eaux calmes d’une bossa (
The Thin Skin)...
Ce sont ces hybridations de botaniste fou qui font tout le prix de cet album, au point d’en faire oublier les petits défauts (la voix parfois maniérée, les interludes instrumentaux passablement inutiles...). Dès lors, qui sait quelles adorables monstruosités naîtront demain dans le jardin de
Fauve ?
Chroniqué par
Bigmouth
le 30/08/2006