Homme de l’ombre de Tricatel depuis de nombreuses années,
Peter von Poehl s’est décidé à en sortir (de l’ombre) pour nous livrer ce premier album. Surprise : il ne s’agit ni d’un exercice easy-mélodique-rétrofuturiste à la
Burgalat, ni d’un "album de musicien" (au sens
Yngwie Malmsteen du terme, toutes proportions gardées) - deux écueils que l’on pouvait légitimement redouter au vu des états de service du garçon.
Mais non : aucune trace de "suivisme", ni même d’un vague "esprit de famille Tricatel", sur ce disque singulier, tellement hors-mode qu’il en semble parfois presque anachronique (
Tooth Fairy, par exemple, est une mystérieuse ballade médiévalo-féérique comme on n’en avait plus entendu depuis les grandes heures de
Kate Bush - c’est dire !). On pense pourtant à beaucoup de très beaux disques à l’écoute de
Going to Where the Tea-Trees Are : le morceau-titre rappelle ainsi les ambiances mélancoliques du
I Am the Cosmos de
Chris Bell, tandis que le chorus de tuba de
Global Conspiracy semble être un écho lointain du
Transformer de
Lou Reed... Mais, loin de témoigner d’une absence d’originalité ou d’inspiration, ces réminescences ne sont rien d’autre que le fruit du formidable pouvoir d’évocation de ces chansons.
Aucune trace non plus, on l’a dit, de frime virtuose ou de démonstrations techniques flamboyantes :
Peter von Poehl est un musicien discret, mais aussi un songwriter fort doué (
A Broken Skeleton Key, hit en puissance instantanément mémorisable) et un arrangeur subtil, procédant par petites touches impressionnistes (un exemple au hasard : l’entrée des cuivres sur
Virgin Mountains) pour aboutir à une oeuvre fouillée et totalement cohérente.
Ce qui ne veut pas dire pour autant, hélas, que ce disque soit sublime de bout en bout : il souffre en effet, dans sa seconde moitié, d’une production légérement moins soignée, et surtout de compositions passablement moins abouties... Mais peu importe : l’impression d’ensemble reste tout de même celle d’une excellente surprise et d’un premier essai réussi, dont on attend avec impatience la suite, afin de savoir s’il sera transformé.
Chroniqué par
Bigmouth
le 30/07/2006