Cette année 2006, la tournée européenne de 
Charles Gayle passait par le Glenn Miller Café de Stockholm. Endroit dans lequel le label Ayler records a l'habitude de déposer ses micros auprès des musiciens qu'il y invite. Quelques mois après le concert, voici donc l'enregistrement attendu, qui revendique aussi bien que de plus anciens l'assurance du saxophoniste, et sa grâce fiévreuse.
Aux côtés du contrebassiste 
Gerald Benson et du batteur 
Michael Wimberly, 
Gayle commence évidemment par rendre l'essentiel d'un propos offensif et ramassé, free jazz ultime aux accents ayleriens (
Cherokee). L'alto, capable de varier le mode des plaintes qu'il fomente, permet toutefois des incartades au profit du swing (
Softly As In A Morning Sunrise) ou du blues - discrètement dessiné sur 
What's New. 
Jouant un rôle considérable dans la pratique musicale de 
Gayle, la spiritualité l'amène ensuite à rechercher la compagnie des spectres : glorieux (les voix des sidemen apaisant le furieux 
Chasing au son de 
Praising The Lord) ou vertueux (présences révélées au fil des reprises : 
Coltrane avec 
Giant Steps - marche contrainte admirablement imposée par 
Wimberly - et 
Ayler avec 
Ghosts - sur lequel la filiation entre les deux saxophonistes pourrait passer pour réincarnation, permise soudain par encyclique expresse). 
Pas le premier, 
Charles Gayle, à transformer un penchant mystique en apanage de la réflexion. De la mesure, même, toutefois bousculée à intervalles quasi réguliers par une violence sonore là pour peindre le plus fidèlement possible comment vont les choses : injustement, et sans donner jamais dans le progrès. Comme 
Ayler, 
Gayle n'a pas fini de ramasser ses hurlements pour en faire des suppliques présentables, de relater à la manière de Bosch la foi de Saint-Antoine. Et de redire que si la religion est incapable de miracle - si ce n'est celui de gouverner au moyen d'un espoir de salut tenant de la carotte de l'âne -, elle peut se fourvoyer, de temps à autre, dans quelque oeuvre d'art de l'allure haute de 
Live at Glenn Miller Café. 
	
	
		Chroniqué par 
		Grisli		
		le 06/06/2006