On va nous faire à nouveau le coup du groupe de rap français « loin des clichés habituels d’un genre sclérosé » mais pour une fois, on aura raison :
Frer 200 est un groupe drôle et spirituel. Et, oui, les clichés n’y ont pas cours : malheureusement ça ne fait pas tout et les amateurs de hip hop n’attendent pas forcément beaucoup de ce genre de projets.
Approchant le genre par la bande, sur le mode de l’humour (drôle, pour de vrai : c’est rare que le rire rachète un disque de peu d’intérêt, musicalement parlant) et du second degré,
Frer 200 s’en tire tout de même avec quelques honneurs, sur un mode proche des
Gourmets lyonnais. De fait,
Frer 200 est surtout un groupe à textes (j’en vois qui rigolent déjà), et les productions qu’il livre, si elles conservent ce côté malin-malicieux qui fait l’identité du groupe, restent anecdotiques, parce qu’elles cherchent davantage à proposer une ambiance, un cadre, une toile de fond pour le texte. La musicalité en pâtit donc parfois, comme
Où et son ambiance orientalisante. Les constructions rythmiques, quand elles cherchent l’artificialité de l’exotisme, un exotisme volontiers factice et de pacotille, font mouche davantage (
Bossa Brack). Ces productions au second degré, si elles restent drôles (leur vocation initiale), risquent de perdre leur fraîcheur rapidement : le second degré en matière de musique, c’est toujours se référer à un son déjà assimilé, déjà partagé par tout le monde, donc en quelque sorte déjà vieilli, déjà obsolète. Le son au second degré court toujours le risque de se référer à une manière de sonner morte et ce danger, forcément,
Frer 200 le court. Ce qui en fait un groupe anecdotique, statut qu’il assume pourtant grâce à ses textes.
Ils font manifestement l’identité de
Frer 200, et privilégient l’observation narquoise plus qu’une conscience donneuse de leçon (le fameux coup du groupe conscient, « loin des clichés du genre », revient). Nul doute : on a affaire à trois moralistes à la plume aiguisée, c’est-à-dire, au sens originel, des observateurs de la psychologie et du comportement humains. Observations triples et épicées (le freestyle de Ludo à la fin de
Ce Mec), croisées dans trois voix qui se complètent avec aisance, et qui n’hésitent pas à faire partir les morceaux sur des chemins de pur délire dans lesquels
Frer 200 réussit le mieux (
Jalouze People). Un disque de hip hop à destination des amateurs de chanson et de textes, en quelque sorte. Reste qu’il leur manque quelque chose pour s’imposer réellement.
Chroniqué par
Mathias
le 28/04/2006