D’une forme moins alambiquée qu’à l’accoutumée, ce nouvel opus du lunatique en aura désarçonné plus d’un, du moins autant que la disparition d’une « vieille habitude » peut perturber un fan. Pourtant ce « jardin secret » regorge de pépites, le tout savamment disséminées autour de la Maison Profonde. A regarder l’entrée du site ( A1-
Entrance 2 the Garden) aménagée avec sobriété, sans clôture, on est déjà projeté immanquablement dans le cœur de la place…Où sans trop se poser de question, on sourit, devant le spectacle qui ‘offre à nous…Tous ces gens…et cette ambiance so groovy (
A2 – People ) …Regarde !
Marvin Gaye, en pleine discussion avec
Prince et
Kenny Larkin…Ils parlent fort, ils gesticulent ! On n’entend presque plus les oiseaux qui gazouillent…Oups ! Là ça y est, les gamins sont réveillés (
A3 – Backagainforthefirsttime ?).
Toutes les générations sont là. La Maison est bien vivante, on croirait même l’entendre respirer, avec ce martèlement de basse grasse et robotique mêlé de notes de piano dans un rite festif quasi tribal (
B1 - LIVEINLA1998). De ces imprécations dégorge toute la mystique de l’homme que l’on nomme
Moody…C’est çà le son du lunatique, cette volonté de nous ramener à la dure réalité et nous mettre face à nos responsabilités passées, présentes et futures. C’est à notre devoir de mémoire qu’il fait appel (vis-à-vis des méfaits irréparables de l’esclavage par exemple). Si on avait encore un doute en rentrant dans ce jardin si secret, on sait dorénavant que la promenade ne sera pas uniquement bucolique.
Mais les livraisons du bonhomme à la coupe afro ne sont pas à ce point pléthorique qu’on puisse se contenter de n’y voir qu’un acte revendicatif bas du front. En fait à travers toute la seconde partie de l’album, avec des morceaux aux ambiances aussi antagonistes que la synthétique déjante de
Silence in the secret Garden(C2) et la moiteur sombre de l’orga(sm)nique
Sweet Yesterday (D2),
Moodyman nous explique avec clarté, qu’à l’ombre des aînés, la musique électro de façon générale et la house en particulier, n’a eu de cesse de croître et de s’épanouir. Ainsi bien campé au cœur des débats, notre « soul advencer », gardien de la Maison Profonde, aura su se camoufler dans l’herbe folle, se mettre à l’abri de la « V.I.Pisation des esprits » (cette maladie qui aura flingué bien d’autres jardins alentours) et diffuser son message.
Du jazz à la soul en passant par la deep-house ou l’électro minimaliste,
Moodyman met en œuvre - comme s’il l’avait comprise depuis le commencement – la logique du Chaos. Entre déraison et cohérence, il bascule d’une période à l’autre dans un trip chargé jusqu’à l’os de black music…Son vrai militantisme, le voilà !
Et pour rassurer les derniers esprits chagrins pour qui l’éclectisme est une tare, aucun risque de confusion dans ce périple. Depuis son bunker, il met juste en lumière toute la biodiversité du groove dans un album qui, en plus de vous faire réfléchir, n’aura aucun mal, dans le plus pur respect de vos désirs de volupté, à tenir lieu de crashtest pour vos prochaines godasses (
B3 - SHINE et
C1 - Yesterdays Party Watta Bout It ) ….Et plus si affinités !
Chroniqué par
Yvan
le 23/02/2006