Il y a d’abord cette aurore sombre, nimbée d’électronique. S’éveillent ensuite une batterie hors norme, inventive, un piano empreint de spleen, et, plus tard, les nappes vibratiles d'un clavier et la voix déchirée/déchirante de Bernard Cabarrou. Alors, le morceau monte en puissance progressivement, enfle, se charge d'une énergie dévorante avant de prendre fin dans de noirs tourments.
Ainsi commence
Paradoxes, premier album brillant de
Sibyl Vane, collectif palois prometteur. Sorti sur le label toulousain Jerkov, ce long-format fait entendre un rock atmosphérique et riche, qui allie à la fois la bricole et l'ambition, un côté un peu cheap et des compositions soignées. Aucun manque de moyen, mais le choix délibéré d'une esthétique de l'impureté.
Sibyl Vane prend son temps, développe consciencieusement ses morceaux, les dote d'ampleur et d'intensité. Les introductions sont longues, les parties instrumentales généreuses. On pense à
Slint et à
Talk Talk, en particulier à leurs albums de 1991,
Spiderland et
Laughing Stock. En effet,
Paradoxes tient ensemble l'exigence contemplative du post-rock (
Autophage,
Je suis un(e) autre) et l'efficacité énergique du rock (
Circus,
Rock Icon) dans des morceaux de haute valeur (
3rd Song,
Verna). Les percussions de Stéphane Sapanel sont ébouriffantes, les guitares de Bernard Cabarrou et d'Olivier Noël emplies de force et de subtilité, la basse de Grégory Foix d'une profondeur saturée.
A l'image du chant de Bernard Cabarrou, les textes, en français et en anglais, sont noirs, crépusculaires, et les ambiances développées sombres, désespérés (
Strangest Ways,
Until It Hurts).
Paradoxes n'en est pas moins réjouissant, car malgré un ou deux titres moins réussis, il laisse entrevoir un avenir radieux pour
Sibyl Vane.
Chroniqué par
dfghfgh
le 24/11/2005