Voici dix années que
Badland œuvre pour la musique improvisée tout en répétant à l’envi que celle-ci n’appartient à personne. Respectant un mini manifeste pourfendeur de sérieux débordant ou de complexes à avoir, le trio n’en rend pas moins une musique insoupçonnable de frivolité ou d’irrévérence crasse.
Et d’abord, en approchant au maximum l’improvisation choisie du champ du jazz. Un free insatiable, par exemple, lorsque le saxophone de
Simon Rose rappelle celui de
David S. Ware sur le jeu de batterie éclaté de
Steve Noble (
The Society of the Spectacle, Part 2), tous deux partageant avec un troisième – le contrebassiste
Simon H. Fell – d'épais désirs de cohérence.
En somme, ménager l’inspiration non cadrée et les petites obligations là pour ne pas déplaire. User des gimmicks est un stratagème : la contrebasse et le saxophone, sur
Mia ; glisser quelques interventions plus expérimentales en est un autre : grincements divers, couacs, chocs internes et parcours révélés des souffles (
Reeds in the Western World,
Kittiwake) ; prôner un minimalisme soudain apte à calmer les esprits, un dernier : jusqu’à présenter sur
Nissa une galerie longue de renoncements.
Mais le plus enthousiasmant se trouve encore ailleurs. Sur
The Society of the Spectacle, Part 1 et
Snipe, notamment, où l’énergie déployée ne lâche pas un seul instant. Le trio y porte aux nues des décisions explosives, et arrache à grands coups de serpes les restes d’intention que certains pourraient encore avoir concernant des tentatives inédites de furie en musique.
Stratèges de charges répétées, inébranlables et brutes,
Rose,
Fell et
Noble, ont remporté, avec
The Society of the Spectacle, une bataille livrée à la fois au sérieux et au médiocre. Faisant leurs et originales toutes les situations.
Chroniqué par
Grisli
le 15/11/2005