Quelque part entre la musique d'une usine automatisée et l'ambient de
Brian Eno, il y a
Seismograph : un album sorti sans grand bruit fin 2004 et qui vaut pourtant largement le détour. Un disque machinique et rêveur à la fois, « humain » comme le dit très justement le site d'Arbouse recordings, sur lequel l'album est sorti.
Derrière
Audioroom se cache en fait un seul musicien,
Nicolas Bernaud, diplômé des beaux-arts d'Aix et versé dans l'art numérique. Comme son nom le suggère,
Audioroom développe des espaces sonores, que l'on imagine aisément chorégraphiés ou mis en images.
Seismograph déroule sous les yeux de l'auditeur un véritable paysage mental, une musique évocatrice, aux sonorités fortement réminicentes du label Warp.
Les instruments semblent s'y répondre plutôt que jouer ensemble, comme si la musique n'était pas leur vocation première, d'où l'impression d'espace qui se dégage du tout. On pense alors à certaines scènes du « Dancer in the Dark »de Lars Von Trier, quand le son des machines se fait musique, par la grâce de l'imagination. L'émotion peut naître à partir de n'importe quel son et
Seismograph semble vouloir le démontrer.
Les rythmiques y sont répétitives et minimalistes. On reconnaît bien les sonorités familières de quelques instruments « réels », mais celles-ci restent en général très synthétiques : cordes métalliques, piano mécanique ou pizzicati de violon dézingué. Le tout dessine un univers machinique, dans lequel on n'entend qu' une voix, sur le cinquième titre, plutôt robotique.
Sur ce fond abrupt, des divagations plus feutrées viennent se greffer. Ces parties pleines de bleeps montent plus volontiers dans les aigus et leur sonorités sont aussi plus liquides. Leur grâce et leur délicatesse rappellent volontiers celle d'
Ezekiel façon
Handle with care. Comme ce disque,
Seismograph développe ainsi une esthétique du contraste, mais tout en fluidité et en mélodies.
La tonalité s'y fait parfois sombre et profonde (
L'érosion des contours), sans jamais virer au glauque . Des ritournelles sont là pour détendre l'atmosphère, simples comme des jeux d'enfants.
Toy in the head, le premier morceau de l'album, en est une bonne illustration.
Quelle que soit leur humeur, les morceaux de
Seismograph ont la particularité de se terminer abruptement. Comme si les machines s'étaient enrayées, que les batteries étaient à plat, ou que quelqu'un avait soudainement coupé le courant. On sort alors de la rêverie sans s'être ennuyé un seul instant, car cet ambient n'est jamais soporifique. Un disque idéal pour s'enfoncer dans un fauteuil et contempler son appartement d'un autre oeil.
Chroniqué par
Pierre-Olivier Pin
le 15/10/2005