Kieran Hebden a peut-être eu peur de se répéter.
Everything Ecstatic, n’est pas un
Rounds au carré, mais l’on ne s’en plaint pas, même si ce nouvel album n’est pas , disons le tout de suite, aussi réussi que son prédécesseur.
Four Tet semble vouloir nous prévenir de son ambition dès le premier titre,
A joy : d’emblée, s’impose une basse continue qui vrille le cerveau, exsudant une noirceur rampante, à laquelle se greffe progressivement une cohorte de batteries programmées pour l’anarchie : le chaos digital ne se fait pas longtemps attendre. Un son plus froid, plus dur, plus menaçant, qui n’est pas sans surprendre, agréablement ici.
Après l’effet de surprise d’ouverture,
Smile around the face , abstract hip-hop truffé de blips et de torsions sonores malignes, est une petite pépite qui nous ramène dans un univers plus familier et confortable.
Passons sur le court intermède
Fuji check pour aborder
Sun drums and soil. L'extase promise par le titre de l'album prend la forme de ce titre hypnotique, qui explore une terre plus sauvage, à la couleur presque free jazz : les groovebox y sont à l’honneur, beats et breaks fusent, la trame rythmique est le cœur d’un morceau qui se laisse bientôt infecter par des cuivres stridents.
And then patterns, pas exhubérant pour deux sous, est certainement pourtant le morceau le plus réussi du disque : feutrine down-tempo cool, pour ambiance ouatée, rappelant les les morceaux abstract-hip hop de
Pause, deuxième album du protégé de Domino.
On dira également quelques mots de l'enchanteur
High Fives qui évolue dans un registre analogue : beat massif, scratchs , sons satellites de xylophone, et autres instruments à lames, pour un titre funky de très bonne facture.
Plutôt que peintre oeuvrant dans la couche sonore, c’est en architecte du rythme et en chirurgien du blip qu’officie Kieran Hebden sur ce disque, au risque de perdre en émotion :
Sleep, eat food, have visions se révèle ainsi assez pénible à écouter, perdant l’auditeur dans un dédale electro warpien assez dur à digérer en fin de disque.
You were there with me, le dernier morceau, en fait les frais, et passe assez inaperçu.
Au final,
Everything Ecstatic nous laisse quelque peu circonspect, malgré de très bons moments : le projet était pourtant courageux, que de faire prendre l’air à cette electrorganica domestique, en la frottant par endroits à des sonorités plus difficiles et inattendues. Malheureusement, sur la fin de cet album pourtant concis, l’intérêt de l’auditeur se délite, faute peut-être de textures mélodiques auxquelles se raccrocher.
Cet album, qui témoigne d'une envie de renouvellement, est peut-être le passage transitoire nécessaire vers de nouveaux horizons pour Kieran Hebden,. On le prendra en tout cas comme tel, en espérant une plus franche réussite sur le prochain album.
Chroniqué par
Imogen
le 02/10/2005