S’il n’est pas (encore) dans l’esprit de la maison de distribuer, sûre de son fait, des félicitations en passe de devenir accroches promotionnelles – repérages, soutiens, sélections, notations étoilée ou d’émoi, signés du nom de revues pas regardantes lorsqu’il s’agit de remplir le quota de satisfecit imposé à une critique salariée et, par là même, repue, endormie et facilement d’accord -, le quartet du contrebassiste
William Parker pourrait bien bousculer les habitudes.
Cinq ans après avoir reçu tous les éloges pour son premier enregistrement,
O’Neal’s Porch – initialement autoproduit et réédité par la suite par AUM Fidelity -, le quartet de
Parker profite, en 2004, d’une tournée au Canada pour confectionner
Sound Unity. Là, un double étonnant a su se mettre en place : section rythmique d’un côté, instruments à vent de l’autre.
Satellite moderne d’
Out to Lunch ! de
Dolphy, la musique donnée joue des complicités : entrelacs étudiés que fomentent la trompette de
Lewis Barnes et le saxophone de
Rob Brown ; entente évidente d’
Hamid Drake (batterie) et de
Parker, qui immiscent, par exemple, quelques passages frénétiques dans un swing délicat (
Hawaii). Ailleurs, leurs pulsations orientent le propos vers une impression en noir et blanc agrémentée de dissonances sereines (
Harlem), ou interrogent des réminiscences de bop autant que la justesse du timbre de l’alto (
Wood Flute Song).
Eclaireur autoproclamé,
Parker invite le quartet à venir étoffer un riff choisi de contrebasse. Sur
Soud Unity, d’abord : la surenchère motivante à laquelle participent
Brown et
Lewis, leur dialogue faisant face à la tentation répétitive ; le champ libre laissé à
Drake, qu’il occupe à merveille ; le riff de basse défait, enfin, sonnant la charge singulière de musiciens en verve. Sur
Groove, ensuite : servi par l’unisson des vents, pour mieux élaborer un jazz aux accents de dub, léger et jamais forcé.
Six inspirations originales parviennent ainsi à se fondre, se régénérant l’une l’autre, toujours insoupçonnables de donner dans la facilité. La recherche est là, qui trouve une forme plus que convaincante, lorsqu’il s’agit, par exemple, de transformer une musique savamment déconstruite en un cool jazz border line et brillant (
Poem For June Jordan). L’entier engagement du quartet de
William Parker, enfin, arborant la mine superbe de l’exigence jamais emportée par la beauté du résultat. Et Infratunes de se fendre, une fois n’est pas coutume, d’une mention toute spéciale. Celle, inattaquable et pas autocollante, d’Infralbum Jazz de l’année.
Chroniqué par
Grisli
le 07/09/2005