Après le cortège d’éloges unanimes – et mérités - qu’a fait naître son premier album
Funeral,
Arcade Fire sera sûrement attendu au tournant, à l’heure où paraîtra son second opus. En attendant, Rough Trade a la bonne idée de rééditer leur premier EP éponyme, auto-produit et sorti en 2003. L’occasion de découvrir une poignée de morceaux de qualité – dont certains entendus sur scène – mais surtout de démontrer que l’alchimie idéale présente sur
Funeral ne doit rien au hasard, n’est pas un coup de chance isolé.
Sur ce premier enregistrement, on retrouve tout ce qui fait le charme de
Funeral. Cette capacité d’aller manger à tous les râteliers, piochant aussi bien dans les divers courants rock des années 80 (
New Order,
The Smiths) que dans la pop protéiforme des années 90 (
Pulp en particulier). Le tout dans une formule inédite, conviant violon, accordéon et voix éraillée, dans un style qui peut rappeler les voisins de Constellation (
A Silver Mt. Zion par exemple). Une pop qui aurait troqué l’habit synthétique de ces deux dernières décennies pour se parer d’un mélange plus organique. Enfin, non content de connaître à la perfection leur grammaire musicale,
The Arcade Fire ne tombe jamais ni dans la pose ni dans l’érudition, comme la majorité des groupes rock du moment (la palme à ceux en "The"). Non, ici on fait plutôt dans la passion, comme un direct au cœur de l’auditeur !
Pas de tube imparable à la
Neighborhood #1 (Tunnels) ou
#2 (Laika) sur cet EP, mais une succession de pop songs efficaces et inventives, toujours promptes à faire bouger la tête sans possibilité de résister. Comme sur
Funeral, la section rythmique est parfaite, offrant une colonne vertébrale idéale pour le chant déchiré de Win Butler et celui plus lutin (quelques accointances avec une
Björk, un peu plus fragile) de Régine Chassagne. Les nappes d’accordéons et les coups d’archets subtils contribuent encore à donner une couleur unique à chaque morceau. Des dansants
Old Flame et
No Cars Go, aux ballades
My Heart Is an Apple et
Vampires / Forest Fire (et son synthé épisodique), l’alchimie opère à merveille, comme par miracle, à chaque instant. Les sommets sont atteints sur
I’m Sleeping in a Submarine et
Headlights Look Like Diamonds où les voix de Win et de Régine se marient à la perfection, en faisant le duo pop le plus touchant depuis longtemps.
Dans une récente interview, Régine Chassagne déclarait que si l’on peut aisément trouver la mélodie ou les accords nécessaires à une chanson, une seule version de celle-ci peut exister et c’est cela le réel but de toute recherche. Cet EP, comme
Funeral, est la réalisation pratique de cet adage, comme une profession de foi. Chaque chanson est façonnée dans ses plus infimes détails, offrant une richesse impressionnante, pourtant jamais trop écrasante pour l’auditeur. En une formule plus directe,
The Arcade Fire a trouvé la recette pour une pop exigeante et efficace, réussissant à réconcilier puristes et public.
Chroniqué par
Christophe
le 19/07/2005