Quelques semaines passées à Londres au printemps 2003 furent l'occasion pour
Milo Fine, multi instrumentiste de Minneapolis et adepte forcené de l'improvisation la plus libre, de rencontrer quelques-uns des plus iconoclastes de ses homologues anglais. De les affronter, même, à l'aide d'expressifs usages de clarinettes, piano ou batterie, au sein de quatre formations différentes. Deux disques sont nécessaires à la présentation de la somme d'enregistrements réalisés.
Aussi fournis qu'inventifs, ils présentent d'abord un
Milo Fine menant, en octet, une pièce de près de quarante minutes,
April Radicals, où les solutions choisies par les improvisateurs sont le plus souvent frénétiques, angoissantes, mêlant programmations minimalistes et courtes plaintes acoustiques, réponses des unes aux autres, ou bien assimilées. Bien que radicale, l'expérience nous mène subtilement à travers les méandres inédits d'un cabinet de curiosités zoologiques.
Selon la même méthode jubilatoire,
Fine se mesure ensuite à
Alex Ward. Deux clarinettes tentent des combinaisons, faites d'harmoniques étirées ou de notes aiguës sur montagnes russes (
Only Two Clarinets,
Still Only Two Clarinets). Convaincant déjà, le duo se fait épatant lorsqu'à la clarinette de
Ward répondent les attaques ressenties du batteur (
Fine Ward Mill Hill). Quant au trio
Milo Fine,
Paul Shearsmith et
Gail Brand, associant clarinette / batterie, trompette de poche et trombone, il pousse à son paroxysme les moments d'inspiration rageuse (
Skinny frogs).
Elaborées en sextet, cinq pièces servent un même titre,
May radicals. D'une discrétion ayant peut être à voir avec une mise en place timide,
May Radicals Minus One superpose les notes échappées d'un piano déconstruit et les frôlements grinçants d'archets sur violons et contrebasse avant de l'emporter tout à fait dans son approche d'une dissonance musicale sombre et fournie. Choisissant de soutenir l'effort des cordes par des bribes de rythmes (
May Radicals Three) ou des trouvailles lumineuses à la clarinette (
May Radicals Four),
Milo Fine aide le sextet à trouver naturellement sa place, qui, si elle n'est pas confortable, est assez bien disposée pour nous convaincre de ne jamais rien refuser à l'intuition. Surtout lorsqu’elle est celle, rare, de musiciens aussi brillants qu'iconoclastes.
Chroniqué par
Grisli
le 24/01/2005