Petite histoire d’un classique. Début 2003, le rapeur
Fuzati et son compère
Orgasmic le Toxicologue confirment tout le bien que l’on pensait d’eux depuis
L’antre de la folie avec un titre qui restera gravé dans les mémoires… pour le meilleur et pour le pire.
Car certains apôtres du vrai hip-hop ne se sont pas gênés pour incendier
Fuzat, le petit bourgeois de Versailles qui a oublié son flow à la maison. Accusation à deux sous à laquelle l’intéressé ne se gêne pas de répondre : "Dans le rap je n’aime que les gens qui disent que le Klub des Loosers ce n’est même pas du rap car au moins on me laisse tranquille". Comme si le message n’était pas suffisamment clair, le personnage en rajoute par trois fois, scandant son "Baise les gens!" en guise refrain jouissif. La boucle de flûte concoctée par
Para One achève de fixer le morceau dans votre subconscient et, croyez-moi sur parole, vous ne prendrez plus jamais le métro comme avant.
"Ca va s’arranger… mais oui, bien sûr" ; on y croit pourtant pas la moindre seconde dès les premières notes du morceau suivant, reposant sur une boucle digne de la bande originale de
L’exorciste. Cette fois
Fuzati délaisse la misanthropie pour se recentrer sur son enfance, forcément sordide. L’introspection s’accorde parfaitement avec le décalage rythmique de l’instrumentale, et amène ce titre au statut de
Bâteau ivre contemporain, extraits à l’appui ; "ce jour-là j’ai dû souffler trop fort sur mes bougies, mes illusions se sont toutes envolées aussi". Sans rire…
Ultime preuve du talent d’écriture de
Fuzati,
Poussière d’enfants se révèle enfin comme le morceau phare de ce EP en réconciliant la méchanceté gratuite du rapeur avec sa sensibilité. Ici, le mauvais goût côtoie l’affliction sur un fond de chorale, en se terminant sur ce superbe "je suis toujours un petit peu triste lorsque souffle le vent, je sais qu’il disperse de la poussière d'enfants". Un excellent compromis entre le
Hard Knock Life de
Jay-Z et un
Morts les enfants de
Renaud, la pérennité en plus.
Maxi déterminant dans la carrière du désormais solitaire
Fuzati,
Baise les gens impose donc le Versaillais comme un faux rappeur extrêmement talentueux et promis à un avenir qu’on ose à peine caractériser de "radieux". Réponse le 15 novembre avec
Vive la vie, album débordant de promesses et de frayeurs et qui, de ce fait, porte déjà bien son nom.
Chroniqué par
David Lamon
le 03/11/2004