Selon ses propres dires,
Aesop Rock serait un éternel insatisfait, refusant de réécouter ses albums par peur de voir jaillir leurs défauts intrinsèques. Pourtant, près de quatre ans après sa sortie,
Float ne semble pas avoir pris la moindre ride et se déguste toujours comme un disque intouchable, au point qu’Infratunes décide de vous en parler aujourd’hui avec un enthousiasme intact.
Premièrement, cet album continue d’impressionner par la richesse de sa production, assurée en partie par
Blockhead, soutenu dans cet exercice par
Omega One et
Aesop Rock lui-même. Le ton est donné d’entrée avec le synthé galactique de
Commencement at the Obedience Academy et la boucle contrebasse-violon de l’énorme
Big Bang, où le flow d’
Aesop se révèle dans toute sa splendeur. Essayez en effet de prononcer "I gotta be a big bang, gotta be , Never wanna be hear a probably, I wanna see or hear a ‘Yes sir, sir’" aussi vite que
Big Boi, et vous comprendrez vite pourquoi
Aesop Rock est un des meilleurs MC en activité…
Le feu d’artifice se poursuit sans le moindre temps-mort, atteignant son paroxysme avec le texte inspiré de
Basic Cable, qui fustige l’omniprésence de la télévision dans la société contemporaine ("plug it in, turn it on, be my mother when she's gone, great wipe the spittle off my chinny-chin during the breaks, if I gotta go blind I'mma do it for the love of all television kind") sur un beat caverneux à souhait de
Blockhead. Un titre qui confirme avec brio la face obscure et orchestrale du disque, rythmé par des basses lourdes et des cordes graves et omniprésentes.
Float comporte tout de même quelques phases plus entraînantes, comme la boucle reggae signée
Omega One sur
Skip Town ou encore l’harmonica et la guitare de
I’ll Be OK, sorte de hip-country décliné au micro en compagnie de
Slug.
Si la prestation du MC d’
Atmosphere est toujours appréciable, les invités les plus prestigieux se dévoilent en fin de parcours, avec deux titres de très haute facture. A ma droite,
Vast Aire, qui rebondit avec une facilité déconcertante sur le beat martial de
Attention Span et à ma gauche l’inimitable
Dose One, dont la voix nasillarde et rapide créée un excellent contraste avec le flow plus grave d’
Aesop. Une ultime combinaison qui s’achève sur une interlude à l’accordéon, avant de laisser le principal intéressé conclure avec le très bon
The Mayor and the Crook.
Au final,
Float réussit donc le tour de force de ne pas s’essouffler un instant malgré son tracklisting conséquent, et impose
Aesop Rock comme un artiste majeur de la scène indépendante du nouveau millénaire. Cette notoriété lui aura permis de signer en 2001 avec Def Jux et de participer à de nombreux projets annexes, comme sa récente collaboration avec
DJ Krush sur
Jaku. Mais ce troisième album d’
Aesop marque avant tout l’apogée de sa carrière, et s’impose dès lors comme un classique pour les nombreux amateurs du MC de Brooklyn.
Chroniqué par
David Lamon
le 03/10/2004