Premier album de
Buck 65 à bénéficier d’une distribution qu’on pourrait qualifier de décente,
Vertex annonce à lui seul la couleur du hip-hop pour backpackers, également qualifié à l’époque de "rap de blancs" par ses nombreux détracteurs. Car, voyez-vous,
Buck 65 ne fait pas les choses dans le bon ordre, et a quelques références pour le moins bizarres.
Principale entrave au règlement, l’artiste en question vient d’une petite ville canadienne bien tranquille, où la rumeur veut que les jeunes du quartier peuvent écouter
Neil Young sans être forcés de baisser la fenêtre pour s’isoler des klaxons et autres sirènes de police. Ce serait donc dans ce cadre que Richard Terfry découvrit ses premiers disques de hip-hop et commenca à se servir de ses platines, enfermé dans sa chambre, en compagnie d’un quatre-pistes sentant bon la poussière.
Blague à part, il faut bien avouer que,
Vertex traduit à merveille ce métissage, en reposant sur une succession de boucles lentes et étouffées auxquelles se mêlent des beats et des scratches plus marqués. Tout au long du disque, l’auditeur aura donc le loisir de croiser une petite touche de
DJ Krush, agrémentée de passages "very
Roxy Music", le tout dans une atmosphère ouvertement lynchienne. Pêle-mêle relèvera-t-on les notes de piano caverneuses de
Sleep Apnoea et les grincements de porte de l’étrange
In Every Dream House There Is a Heartache, où
Buck chuchote quelques attaques bien senties au matérialisme omniprésent dans la société américaine.
Des paroles engagées qui côtoient une poésie plus abstraite et un cynisme faisant de
Vertex un album quasi-inusable et accrocheur jusqu’à ses dernières notes. Fidèle à sa passion pour le septième art,
Buck 65 construit en effet de véritables court-métrages autour de son quotidien à Halifax et de ses nuits sans sommeil. Il devient ainsi impossible d’oublier le "I simply can't imagine living on the moon, hope that I can climb my way back to dreamland pretty soon" lâché sur
Sleep Apnoea, tout comme ce jouissif "I'd rather read the Bible than use its pages to roll joints with [...], The bachelor of science, I run my own company" distillé avec une voix claire et encore hésitante.
Tout tranquillement, sans aucune prétention,
Buck 65 s’empare donc des esprits les plus réticents et renverse l’énoncé de départ à l’aide de ses scratches novateurs, ses couplets débordant de style et ses productions envoûtantes. Et pour ceux qui pensent encore que le bonhomme ne représente pas à merveille le mouvement hip-hop, les grandes surfaces font toujours des réductions sur les classiques de musette. Profitez-en.
Chroniqué par
David Lamon
le 02/09/2004