Misery Is a Butterfly est une belle réussite... A l'écoute du dernier album de
Blonde Redhead, on se dit que celui-là ne restera pas rangé dans le coin des CD que l'on écoute que trois ou quatre fois par an. Coup de foudre brutal, passion dévorante, désenchantement romantique sont des expressions pouvant définir cet abum pop aux larges influences symphoniques. Car à travers la musique et les textes, il s'agit d'amour, mais avec tout son lot de turpitudes. Et ça, c'est du pur
Blonde Redhead, caractérisé par son penchant pour les idées un peu barrées. L'amour, la jalousie, la rancoeur, la misère sont donc des thèmes largement balayés tout au long de cet opus. Le titre éponyme de l'album
Misery Is a Butterfly reste un illustre exemple, tout comme
Falling Man. Voici quelques extraits de textes pour mieux vous plonger dans leur univers romantique et empoisonné : "Misery is a butterfly, her heavy wings will warp your mind [...] Try to re-imagine me and I'll re-invent myself still I remember scenes of when you looked at someone else..." Les titres, à la fois chantés par Kazu Makino et Amedeo Pace, symbolisent la quête sensuelle et désespérée de deux amants, s'aimant et se détestant, se recherchant et se fuyant. La voix mélancolique et quasi-enfantine de Kazu Makina présente notamment dans
Magic Mountain et
Melody nous transporte dans des sphères oniriques parfois troublantes, pouvant rappeler les intonations de voix de Kristin de
Mùm. Amedeo Pace, quand à lui, chante presque de manière bancale pour inspirer le désarroi, l'amertume ou peut-être l'amour qui fait "une boule à la gorge", un peu à la Mark Linkus de
Sparklehorse. Dans
Pink Love, l'avant-dernier morceau, le duo se rencontre enfin. Leurs voix se mêlent et s'harmonisent autour d'une rythmique rappelant une valse, soutenue avec parcimonie de sons électro limpides et christallins. Tout simplement magique. Kazu aura le dernier mot en fin d'album avec un titre plus rock où elle pousse sa voix pour atteindre un break-down vocal, net et strident.
Déjà dans leur dernier album, le groupe italo-nippon avait déjà pris une orientation plus pop en mettant de côté les sons noisy largement influencés par
Sonic Youth, sauf dans sa dernière track, comme s'il ne voulait pas renier les origines musicales. Dans cette nouvelle production, la tangeante prise depuis 2000 se confirme et ce choix reste, confirmons-le plus que pertinent. En rejoignant le label 4AD, reputé pour son catalogue de têtes d'affiches avec les
Pixies, les
Breeders, mais aussi
Dead Can Dance, le groupe tourne donc une page et s'expose ainsi à une plus large diffusion de son album. Même si
Melody of Certain Damaged Lemons a remporté un certain succès auprès d'un public plus intimiste,
Blonde Redhead n'a malheureusement jamais rencontré le plébiscit des médias, car jugés selon certains trop proches de
Sonic Youth. Avec ce sixième album, il est fort à parier que cela change, tout simplement parce qu'il constitue un pur chef-d'oeuvre, un symbole de pop symphonique et magistrale. Donnons également un grand coup de coeur pour les textes, incroyablement beaux à entendre et à comprendre.
Misery Is a Butterfly est un bijoux, composé d'une pierre précieuse textuelle où il n'est question que d'amour à offrir ou à reprendre, sublimée par un écrin musical travaillé et prestigieux.
Chroniqué par
Lilo
le 12/04/2004