Amon tobin ne s'arrête jamais, il revient avec un mini-album de collaborations et de remixes sur le tube planétaire de
Out From Where Verbal. Les mauvaises langues crieront au marketing, mais nous assistons à des perles inédites d'
Amon tobin en duo avec des artistes d'exception comme
Kid Koala,
Bonobo, P-Love, Steinski, Doubleclick et des remixes originaux de
Prefuse 73 , Topop Gigio, Kid 606 et
Boom bip. Beaucoup de pointures ayant appréciées le dernier opus du magicien brésilien se sont précipitées pour réaliser cette expérience. Le résultat est bien sûr à la hauteur de nos espérances. Commençons par les titres inédits.
Le premier morceau avec
Kid Koala est très calme, on ressent vite les influences des deux artistes. Les samples magiques de
Kid Koala mélangeant pianos lo-fi et "violons de superproductions" donnent une saveur que lui seul sait faire. Il y a une similitude avec le terrible Thiro World issu du du projet avec Cut Chemist et Mixmaster Mike (Bombay the Hard Way 2). Les arrangements et les beats abstraits d'
Amon Tobin sont intéressants. Les choeurs fantomatiques de
Kid Koala prennent vraiment de l'ampleur au milieu du morceau pour laisser place à une plainte de violon tout droit sortie de
Felt Mountain de
Goldfrapp.
Kid Koala prend un malin plaisir à les scratcher pour tirer les lignes déchirantes.
Amon tobin revient avec son savoir faire pour le sommet du morceau à coups de beats sombres. Enfin un violon lointain nous dit au revoir de la part du koala.
Le titre avec
Bonobo ressemble au son de
Supermodified. Le Snare est très étonnant : une sorte de clap de foule sous l'eau. La boucle de violon est parfaite, très hip hop, hypnotisante. La contrebasse est bien utilisée tout au long du morceau. Un break très calme arrive au milieu du morceau (un solo de Rhodes à la Moon Safari). Ensuite la composition reste simple, la mélodie de base revient agrémentée de quelques touches au niveau du rythme pour faire progresser l'ampleur du tout. La fin se termine sur un extrait de film melangé au vinyle d'une chanteuse de cabaret des années 60.
Le morceau avec
P-Love commence avec des nappes similaires aux anciennes productions d'
Amon Tobin. Puis le morceau part dans des destructurations de rythmes. On entend des cuts, scratches, clics, bumps qui donnent le tournis. C'est le morceau le plus expérimental de l'album. On meurt devant la technique des deux artistes. Il s'agit d'un morceau qui doit être ecouté attentivement, pour la performance et non le plaisir (le plaisir vient après, bien sûr). L'ambiance presque tahitienne de certains passages vient sûrement de
P-Love. Pour finir les scratches nombreux viennent détruire ce morceau impressionnant.
Le morceau avec
Steinski risque d'être un classique pour pas mal de gens. Un gros son de synthé sous effets dub nous hypnotise dès les premières secondes avec des notes flottantes séparées de longs intervalles où le beat s'introduit à la perfection. A faire pleurer n'importe quel artiste. Un vocoder complétement désarticulé chante dans un langage inaudible sur un beat downtempo. C'est de loin le chef d'oeuvre de ce mini album. On ressent l'influence hip hop de
Steinski dans les contre-temps du beat. Des samples de flingues nous pétent les oreilles avec plaisir au milieu de tout ce génie accablant. Je n'ai pas fini d'utiliser des adjectifs élogieux, je m'excuse d'avance. Ce titre est parfait...
Le dernier morceau inédit de collaborations est le fruit du duo avec
Doubleclick. On peut reconnaître un sample de
Fingathing dans l'intro, mais il est discret, on le pardonne.
Amon Tobin n'hésite pas à sampler des trucs récents, les samples de Digable Planets ont nourri les mauvaises langues lorsqu'il était sous son ancien pseudo, Cujo. Enfin bref, le
Doubleckick fait ce qu'il peut, le titre commence à être intéressant à la quatrième minute lorsqu'une flûte étrange se mélange à des sons martiens. Le morceau se transforme en drum n' bass bien saturée comme le ferait un
Hexanol en live (en soirée volte face bien sûr). Le morceau reste tout de même moyen, comparé au reste.
La fin de l'album est constitué de quatre remixes du très populaire
Verbal. Le remix de
Prefuse 73 colle parfaitement. On reconnaît le style très destructuré de Prefuse 73, le flow cuté d'MC Decimal ne leur fait pas peur puisque qu'ils utilisaient déjà cette trouvaille bien avant
Amon Tobin. L'ensemble est hip hop. On retrouve quelques mélodies de la base modifiées à la sauce Prefuse 73, c'est à dire saturées, compressées et retravaillées dans tous les sens. Le style reste quand même très spécial et ne peut pas plaire à tout le monde. Les habitués de
Prefuse 73 seront ravis.
Topo Gigio est bien embetté de se trouver entre
Prefuse 73 et Kid 606. Mais ça va, il s'en sort assez bien. Les effets de résonnance sont bien exploités : ils semblent alléger la tension du morceau initial. Les cloches sont plus flottantes, les arpèges de guitares marquent un temps d'arrêt avant la reprise du beat initial. La fin scintille de mille sons moins agressifs les uns les autres. On félicite
Gigio et on passe à quelque chose de plus violent :
Kid 606.
Kid 606 annonce la couleur dès le début en posant son découpage agressif du morceau initial. Le beat est decoupé en fragments un peu à la manière du flow d'MC Decimal. Il rajoute même un flow inconnu du morceau original, découpé aussi mais muni d'un effet phaser pour bien montrer qu'il sait faire comme son ami Amon Tobin. L'écoute est très angoissante : il semble détruire notre Verbal preféré, le tourner dans tous les sens pour montrer qu'on peut aller plus loin à chaque fois. L'original est bien calme après ce remix.
Le dernier remix est la mission de
Boom Bip. Il installe son style mélancolique directement à l'aide d'une guitare ambiante, de nappes tordues et d'un beat similaire à ses productions en solo. Le rappeur martien arrive par dessus et on est surpris par l'alchimie de l'ensemble. On imaginait pas l'association d'un élément calme au flow furieux qui devient donc planant dans ce remix. les arrangements ont une importance majeure, car la construction reste assez linéaire tout au long du morceau.
Boom Bip a accompli sa mission : l'auditeur ravi met le cd dans son ordinateur et regarde la vidéo de Verbal avant de se décider à vivre.
Ce Mini album est bien sympathique en attendant les prochaines productions du brésilien. L'idée des collaborations est peut-être un peu vendeuse, mais elle nous permet de profiter de duos impensables comme celui avec
Kid Koala. Ce n'est pas un disque inoubliable, mais bien pratique pour ce début d'été.
Chroniqué par
le 27/06/2003