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Dossier

: Emocore : Itinéraire bis



En attendant la reprise des chroniques, voici un petit détour sur la route sinueuse du genre exclusivement américain dit "emo" en présentant quelques groupes plus ou moins marquants ou oubliés qui portaient sur ce courant musical un autre regard...

N'ayant guère d'inspiration en cette période de creux en terme de sorties musicales pour les raisons que l'on sait, voici un petit retour à quelques vieilles amours indie-rock adolescentes agrémentées de découvertes plus récentes sur le thème de l'emo. Oui, l'emo (j'entends ricaner au fond de la salle). Ou plus sérieusement l'emocore – pour "emotional hardcore" – soit ce genre né sur les cendres du post-hardcore et initié par quelques trublions de l'état de Washington vers le milieu des années 80 (Embrace et Rites of Spring dont la plupart des membres formeront plus tard les géniaux Fugazi) puis qui se prolongera ensuite dans les années 90 plutôt admirablement avant de se désintégrer une décennie plus tard en devenant tout autant de la soupe radiophonique qu'un look esthétique ingrat. Cette sélection se concentre plus précisément sur les années 90 ainsi que le début des années 2000 et tente d'offrir une palette large de sous-genres à travers une poignée de groupes ayant préféré emprunter l'itinéraire bis afin d'aborder l'emo différemment et de manière oblique.

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Piglet - Lava Land (Arborvitae, 2005)

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On commence par le plus récent. Piglet est un trio de Chicago n'ayant hélas livré que cet EP en 2005 et qui représente assez bien ce virement tardif de l'emocore vers les montagnes russes du math-rock. Lava Land serait une sorte de prolongement instrumental d'American Football en plus pêchu, plaçant le curseur pile-poil entre complexité savante et mélodisme solaire. Un must à (re)découvrir pour tout amateur de Totorro et consort. On peut écouter les 6 morceaux fabuleux de cet EP à cette adresse.

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Faraquet - The View From This Tower (Dischord, 2000)

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Cinq ans plus tôt sortait cet unique album de Faraquet auquel Piglet semblait être l'un des nombreux dignes héritiers. Cet unique album de ce trio de Washington DC avait déjà placé la barre très haut dans cette fusion implacable de math-rock alambiqué, d'emocore Fugazien (le groupe est d'ailleurs signé chez Dischord) et de certaines vocalises rappelant parfois Police (Carefully Planed ci-dessous). Album labyrinthique et passionant créé avec le cœur, la tête et les jambes, The View From This Tower est disponible ici et le catalogue entier de l'indispensable Dischord .

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Q And Not U - Different Damage (Dischord, 2002)

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On reste à Washington DC et sur le label Dischord, terreau fertile du genre emo-core et de tout un pan essentiel de l'indie-rock des années 90. Après un premier album punk-funk très prometteur se situant quelque part entre Fugazi et Gang of Four (No Kill No Beep Beep en 2000), Q and not U signe là le sommet d'une discographie finalement expéditive (3 albums seulement). Quator devenu trio, le groupe laissait légèrement de côté la section rythmique solide du précédent album pour se recentrer sur les mélodies et nous offrait un disque emo-pop protéïforme et intéressant.

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Jawbox - Jawbox (Tag,1996)

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Le quator Jawbox a également démarré chez Dischord (Grippe en 1991 et Novelty en 1992), et continua ailleurs à consolider une discographie elle aussi courte mais exemplaire. Suivront ainsi For You Own Special Sweetheart et cet ultime disque éponyme. Les guitares se font moins tranchantes et plus clean, la basse de Kim Coletta gagne en rondeur et légèreté, quant au batteur Zachary Barocas ce dernier fait une fois encore des miracles. Jawbox enchaîne ici les morceaux imparables et signe l'un des classiques indéboulonnables de l'emocore.

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The Dismemberment Plan - Emergency & I (DeSoto, 1999)

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L'album nous accueille d'abord par une cover étrange qui, dépliée, se transforme en comic strip absurde dans lequel des êtres aux formes triangulaires fusionnent avec d'autres aux formes carrées pour devenir des monstres tentaculaires d'un nouveau genre. Tout un programme créant un parallèle évident avec les folles hybridations composées par The Dismemberment Plan (originaires de Washington DC également) sur ce chef d'œuvre de l'indie-pop bizarroïde. Naviguant à vue entre rock calibré College US, rythmiques déstructurées et expérimentations sonores, Emergency & I est rapidement devenu un album culte de l'indie-pop.

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Chavez - Ride the Fader (Matador, 1996)

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On reste dans le grain de folie et l'hybridation survitaminé avec Chavez et ce Ride The fader, second et dernier disque sorti sur le label axé indie-rock lo-fi Matador (Yo La Tengo, Pavement, Guided By Voices). Ces new yorkais ne sont pas forcément rangés dans la catégorie "emo" à proprement parler mais il faut reconnaître que la voix mélodique de Matt Sweeney posée sur les irruptions volcaniques des guitares électriques et de cette batterie souvent hystérique nous ramène aux plus belles heures du post-hardcore dont le genre emo reste finalement issu à la base.

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The Van Pelt - Sultans of Sentiment (Germ Blandsten, 1997)

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On poursuit la route d'un emo relativement débraillé et lo-fi originaire de New York avec The Van Pelt, formation comprenant parmi ses membres l'ancien guitariste chanteur de Native Nod. La violence punk de ces derniers est mise ici en veilleuse au profit de jeux de guitares sinueuses du plus bel effet pour un album qui frôle le sans faute. Au-delà de son mélodisme assumé, le groupe se permet toutefois quelques coups de griffes bien sentis (Yamato ci-dessous) ou encore des morceaux en spoken words (Let's Make A List) rappelant un autre pan du courant post-hardcore (Slint, June of 44). L'album est disponible ici.

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Drive Like Jehu - Drive Like Jehu (Headhunter, 1991)

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On termine ce dossier par un incontournable gravé dans la roche : le premier album de Drive Like Jehu. Pionniers d'un emocore dans sa version la plus agressive, notamment dans ce chant éructé qui ouvrira la voie au sous-genre screamo et à des groupes tels que At the Drive-In, les californiens balancent ici une bombe à la face du rock indé avec ce disque explosif. Comme la plupart des groupes présents dans cette sélection, Drive Like Jehu ne composera que deux albums, dont un second plus radical encore, portant à ébullition les idées de ce premier jet, à savoir guitares noisy, structures à tiroir (If It Kills You ci-dessous) et énergie survoltée.

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Question pour le plaisir du jeu : quelle formation disons plus "mainstream" (toutes proportions gardées) a repris deux de ces groupes et lesquels ?



par Romain
le 14/07/2020

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