Pour ceux qui sont nés à la fin des années 1970, le punk joue, c’est mon impression, un rôle presque mythique. Un peu comme si naître à ce moment-là de l’histoire de la musique, c’était naître dans la décadence, après la fin d’une période où la musique fut riche et foisonnante, souvent complexe et démesurée, naître au moment où la musique se simplifie à outrance, laissant ainsi la place à une énergie brute, pour ne pas dire brutale, dans un mouvement de réaction radicale. Cet anti-mythe du punk ne touche pas qu’à la musique. Il s’accompagne d’une philosophie de la vie, que l’on pourrait trouver plutôt simpliste, mais qui perpétue néanmoins par la négative un idéal rimbaldien, la poétique en moins, « live fast die young ».
Come on die young, en s’ouvrant sur les mots d’Iggy Pop, ce punk avant l’heure qui eut la bonne idée ou la malchance, comme on voudra, de ne pas mourir jeune, s’inscrit dans cette perspective. Ce n’est cependant la violente simplicité d’un riff de guitare salement saturée qui accompagne le discours, mais quelques arpèges esseulés. Nous sommes bien loin de la fureur que semblait annoncer ce
punk rock:. Tout l’album répercutera ce contre-pied. Les guitares n’exploseront que sur
christmas steps et pour quelques petites minutes seulement.
L’intention est ailleurs. Elle est à chercher dans ces notes jouées comme en caressant les cordes et qui pourtant résonnent avec lourdeur. Dès lors, il n’est peut-être pas dépourvu de pertinence de parler de « post-punk » et ce, non dans un sens historique, mais au sens où ce serait une intention punk qui présiderait aux morceaux, intention qui se livrerait comme doucement désabusée. Il n’y aurait pour s’en convaincre qu’à écouter
cody : n’est-ce pas de l’aveu de ses auteurs eux-mêmes : une « sad song » ? À la révolte réactive se substituerait ainsi la tristesse d’une chanson : le sujet n’est plus tant la société dans laquelle on vit que la musique elle-même. À la rébellion aurait fait place la tristesse et à un discours contestataire, un discours sur la musique que l’on joue, comme pour bien affirmer que l’on sait ce que l’on fait.
Peut-être.
Toutefois, il me paraîtra toujours étrange qu’un des moments les plus forts de l’album s’appelle kappa et que « kappa » soit une marque que le groupe déclare porter, comme il déclare utiliser des cymbales zildjian. Démarche surprenante pour des punks, furent-ils seulement des post-punks. J’avoue ne pas savoir quel sens donner à ce qui pourrait bien être une contradiction entre l’intention affichée et un aspect de sa réalisation. Sans doute, n’y en a-t-il aucun. Quand j’en arrive à ce point, je me dis que la musique est belle et que c’est bien assez. Alors, je l’écoute, c’est tout. C’est peut-être ça aussi le « post-punk ».
Chroniqué par
Jérôme Orsoni
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