Chaque rentrée se doit d'avoir son disque d'accompagnement parfait, celui qui rephase, qui rebooste, qui remet sur les rails et n'y allons pas par quatre chemins : le nouvel album de Ventura est de ceux-là. Cette sortie est d'ailleurs une double bonne surprise puisque le trio suisse livre peut-être là son meilleur album alors que nous pensions la formation signée chez le regretté label Africantape (Marvin, Papier Tigre, Peter Kernel) en repos à durée indéterminée. Six ans se sont en effet écoulés depuis la sortie de leur précédent effort Ultima Necat et ce Ad Matres sonne d'abord comme un réveil moins électrique que douloureux à proprement parler. Alourdi par le deuil d'une mère disparue, bousculé par l'arrivée d'un nouveau batteur, ce nouveau chapitre reste marqué par une certaine noirceur de ton autant que par une volonté farouche d'avancer coûte que coûte. Souffrir, effacer (l'excellente instrumentale Acetone en ouverture) et repartir.
La noise plutôt frontale du groupe se voit ainsi ensevelie sous une avalanche d'overdubs de guitares héritées du shoegaze, la tête dans le guidon et les yeux rivés sur les pédales. Défile alors tout un pan du rock alternatif se rappelant à nos bons souvenirs d'adolescence tourmentée, comme cette guitare acérée façon Shellac sur Void, ou ces digressions noisy à la Sonic Youth çà et là, ou encore cette plongée en apnée que nous pourrions situer entre Labradford, Zelienople et le Pink Frosty de Fugazi sur Nothing's Gonna Change My Love for You (I'm Afraid), mais l'une des particularités de Ventura reste de dépasser ces références écrasantes en y apportant équilibre et légèreté. Cette impression passe notamment par la voix mélodieuse voire discrète de Philippe Henchoz contrastant impeccablement avec les déferlantes furibondes des instruments. Le tout est mis en son par la main de maître Serge Moratel (Knut) qui sait rendre encore ici ce contraste pertinent et d'une efficacité redoutable. De quoi refaire assurément le plein pour l'année.
Chroniqué par
Romain
le 07/09/2019