Atom™

Il est difficile de suivre Uwe Schmidt à travers sa production foisonnante, frénétiquement enrichie dans des genres variés et sous d'innombrables pseudonymes, comme Atom Heart (ambient), Lassigue Bendthaus (EBM/indus) et Señor Coconut (electrolatino).

Avant de commettre sous ce dernier nom des mambos électroniques (1997), puis des reprises de Kraftwerk en cha-cha-cha (1999) qui le firent connaître du grand public (ou du moins des auditeurs de FIP et Nova), Schmidt produisit au début des années 1990 plusieurs albums d'ambient, notamment sur le label Fax de Pete Namlook, en solo ou en collaboration avec Namlook, Tetsu Inoue ou encore Bill Laswell… Avec la série Texturen, Atom™ revient donc vers un genre qu'il a brillamment illustré, et qu'il a d'ailleurs mis à l'honneur dans les dernières sorties de son label No. Cette série (que l'on espère voir poursuivie) marque un retour aux principes fondamentaux de l'ambient tel qu'il avait été défini par Brian Eno : elle illustre une conception non figurative et non narrative de la musique, évoluant sur une temporalité longue, moins destinée à une écoute attentive qu'à un ameublement sonore – à rebours, donc, des récentes productions proclamées "ambient" de Legowelt, par exemple.

Pour aller vite, on peut classer les deux Texturen dans la catégorie "drone music". Mais dans le tout-venant du genre, les bourdons (traduction malcommode de drone) et les sons tenus pataugent dans une réverb lénifiante ou sinistre. Pas chez Atom™, qui revendique un minimalisme ascétique, tant dans ses moyens que dans son art. Si l'on en croit les informations accompagnant le disque, Texturen II est composé à partir d'un unique synthétiseur, le Roland D50, et d'un très bon module de réverb. Point.

L'unique morceau du disque, long de 54 minutes, commence par une simple onde carrée. Mais bientôt celle-ci vrombit de manière subtile, puis laisse progressivement place à un bruit coloré, qui se mue à son tour en vibration modulée, et ainsi de suite. Au bout d'une vingtaine de minutes, d'amples oscillations de filtres donnent au morceau un effet pendulaire, et amorcent sa mutation vers une structure rythmique et mélodique, qui constitue le cœur du titre. Des phrases musicales se forment alors peu à peu, puis s'estompent. Au bout de quarante minutes, les drones reviennent pour un dernier mouvement, qui passe de l'infra-basse sourde à une superposition de vibrations asynchrones. On aura compris que Texturen II est construit comme une suite symétrique, et qu'il est tout sauf monotone.

On constate à l'écoute que tous les accidents du son et des machines sont conservés. Les crépitements involontaires que produit parfois la manipulation de la réverb ou le grésillement des filtres ajoutent une richesse supplémentaire au dépouillement de Texturen II, dépouillement qui, somme toute, est visible jusque dans le titre de l'album. Doué d'une maîtrise impressionnante de son matériel, Atom™ travaille en effet la texture même du son, et parvient à des résultats qui ridiculisent la surenchère technologique de nombreux musiciens électroniques. Dans un registre identique, proche de l'Art pour l'Art, on peut songer aux albums de Plastikman, qui appliquait les mêmes contraintes créatives à la techno.

Loin de n'être qu'une musique d'ameublement, finalement, l'ambient de Texturen II constitue une fascinante promenade sonore au milieu des oscillateurs et algorithmes.