Cinq ans après Night Music, quelques singles égarés et la bande-son d'un film, Jaumet délaisse de nouveau le projet Zombie Zombie pour nous faire visiter les méandres d’une post-techno lyrique et assez sombre. Sorti depuis le 24 novembre dernier sur Versatile Records, le nouvel album solo d’Etienne Jaumet s'intitule La Visite et se présente en effet sous la forme d'un voyage cosmique.
Parler d’un retour en solo pour Etienne Jaumet n’est pas tout à fait approprié. Le français a fait appel à de nombreux collaborateurs dont les univers respectifs abreuvent les sonorités de La Visite. On aperçoit au détour de certains titres Frànçois & The Atlas Mountains, Richard Pinhas, le héros de la Detroit Techno Carl Craig, la plasticienne Félicie d’Estienne d’Orves ou encore le chanteur pop Flóp. Les genres se croisent, de la new-wave au jazz en passant par la dance-music et produisent les sonorités d’une musique électronique ultra-moderne et impossible à cataloguer. Certaines d’entre-elles ne sont pas sans rappeler les bandes-son composées par John Carpenter et leur ambiance à la fois organique et angoissante. Même si l'orientation de ce nouvel opus est résolument plus jazz, comme l'atteste l'omniprésence du saxophone d'Etienne Jaumet, celui-ci n'a pas délaissé pour autant ses vieilles machines rétro, notamment sa fidèle TR808 (une boîte à rythme fabriquée au début des années 80), grâce à laquelle il construit une œuvre protéiforme mais toujours synthétique, toutes ces influences se fondant constamment dans une synthèse sonore très actuelle.
La Visite démarre avec Metallik Cages ; une voix trafiquée et nonchalante posée sur un drone épuré et flottant. Etienne Jaumet livre un psychédélisme robotique qui nous emène dans des contrées hybrides. On trouve ensuite le morceau qui prête son nom à l’album, un exemple parfait du voyage interne au travers duquel nous entraîne Etienne Jaumet. La Visite est un jazz cosmique et en même temps une techno rétrofuturiste à base de synthés et de saxos. Il introduit également la voix d'Etienne Jaumet, beaucoup plus en avant que sur le précédent Night Music : un chant assez glaçant déclarant un texte signé Flóp. Jaumet raconte le voyage de son double introspectif, parti « à la découverte de son corps ». L’ambiance poisseuse qui se dégage de l’arrangement électronique est caractéristique de l’album en lui-même, un climat old school transcendé par une composition résolument moderne.
Ces quelques titres marquants témoignent d’un projet musical expérimental, laissant de côté une quelconque cohérence narrative pour une structure malléable. Jaumet s’est aussi décidé à chanter, avec pour volonté de rendre ses compositions plus accessibles. La Visite nous fait donc pénétrer de plein pied dans l’imaginaire sonore d’un artiste hors norme dans le paysage musical français. Il mélange les genres et les personnes pour fabriquer des enregistrements envoutants, parfois assez pesants mais témoignant toujours d’une nostalgie intense pour ces instruments électroniques d’un autre temps. Un temps qui n’est peut-être pas encore arrivé...
Chroniqué par
Etienne Poiarez
le 14/03/2015