Montpellier, journée de canicule. Pendant qu'en plein cagnard, la jeunesse dorée roucoule et se la coule douce, l'impétueux
Syl Kougaï défie les éléments dans son laboratoire et donne le "pouvoir" à ses machines. Franchement impossible de savoir où est l'humain sur ce disque. Ce qu'on entend vient d'ailleurs : les feulements de processeurs torturés, les gémissements d'un laptop mutilé, des bleeps haletants et les plaintes d'un oscillateur en perdition.
Une electronica hors norme, ingénieuse et illuminée, tour à tour frénétique et impavide ; une musique de fin du monde à la rythmique insensée : du
Metaswing !
Voilà donc un disque à part, pressurisé et déboussolant, qui se visite comme la bibliothèque du Docteur Frankenstein - des volumes immenses et malgré tout aucune place vide. Durant cette ballade mouvementée, entre hallucinations glaçantes et crises de claustrophobie mal contenues, on a , à chaque minute d'écoute qui s'écoule, l'étrange sensation de perdre des bribes de raison. Sans que pour autant ce soit vraiment perturbant, comme sous le coup d'un envoûtement ou d'une drogue de synthèse ultra-concentrée.
Clairement, cet album composite et hanté pourrait facilement faire flipper, et pourtant il ressemble à un de ces vieux potes de retour d'un long périple, l'esprit mal éclairci, embrumé d'une flopée d'histoires abracadabrantes qu'on écoute inquiet mais captivé.
Toujours aussi intransigeant dans ses choix artistiques, ce passionné d'harmonies complexes et de sonorités sauvages a développé un sens de l'espace et du mouvement inouï. Une qualité de virtuose déjà pressentie sur
La Fille Verte, son précédent opus, qu'il a poussée là bien plus loin.
C'est d'ailleurs dans cette approche très technique que pourrait se trouver les limites d'un projet, certes haut de gamme mais qui, par son aspect expérimental et savant, risquerait bien de larguer en route quelques auditeurs mal préparés. Disons que pour apprécier à sa juste valeur ce disque, il faut y voir, plus qu'un cours magistral d'IDM, la célébration d'une expérience réussie, d'un combat gagné même : la fusion définitive d'un homme avec ses machines. Avec, sous l'explosion sonique de ce
Metaswing, véritable numéro de dompteur du glitch, cette interrogation en filigrane : qui a vraiment contrôlé qui là-dedans ?
Lui ? Elles ? Le mystère reste entier...
Chroniqué par
Yvan
le 14/07/2010