Raoul Sinier nous laissait courant octobre transit d'impatience avec comme seule perspective l'attente et, bien ancrée dans le crâne,
Animal Sawtool, cette instru dévorante en clôture de
Two Heads.
Pourtant, c'est bizarrement sans surprise - aurait-on fini par s'habituer au petit côté prolixe du bohnomme ? - en découvrant
Huge Samouraï Radish , énorme maxi sorti chez
Ad Noiseam tout juste un mois après le 4 titres précédent, qu'on retrouve comme si de rien n'était, nos traces laissées à côté de celles de
Sinier.
Sous les envolées chaotiques de l'introductif
Bring It On, on se souvient s'être posé tout un tas de questions sur l'avenir proche de l'artiste, le contenu à venir d'un troisième opus plus qu'attendu. On se rappelle assez facilement - c'est l'avantage des sorties de disques en rafale - l'état d'esprit qui nous animait alors : pourvu qu'il ne lâche plus ce filon qui nous bouleverse toujours un peu plus, ce goût pour l'esthétique grandiose de l'accident et ces étreintes "hip-hopisantes" et brûlantes qui nous avaient saisis lors de nos dernières retrouvailles.
Comme si nos incantations automnales avaient pu être entendues, voilà donc 12 titres - 7 originaux et 5 remixes - qui débarquent en hiver, étrennes dissonnantes et vacillantes arrivant à point nommé.
D'une couleur d'ensemble très cinématique, ces nouveaux morceaux ne dégagent cependant pas les mêmes humeurs. On adhérera d'ailleurs plus à celles moins plombées de
Peephole Crisis,
Solid Flesh et surtout du superbe
Bleach Bath - une sorte de fission gainsbourgienne autour de cordes élégiaques en phase terminale (Melody Nelson doit adorer !) - qu'aux ambiances sépulcrales des très désespérés
Untitled6 ou
March.
Et comme si tout ça ne suffisait pas - et on ne s'en plaindra pas - le graphiste qui ne sommeille jamais trop en
Raoul nous pond une vidéo "ironicomique" , Lynchéenne sur les bords (Eraserhead n'est pas loin), sur la cavalcade effrénée vers la lumière d'un radis insoumis, né autant d'un corps de femme décapitée que de la psyché de notre artiste, qui est lui, bien loin d'avoir perdu sa tête.
Un film dont on a du mal à savoir s'il a précédé ou suivi la création du morceau éponyme, tant les synergies entre les deux les rendent indissociables.
Des images comme des sons qui, entre rêve et cauchemard, maintiennent tendu le fil d'un suspens ténu que tous les remixes à suivre ne parviendront pas à égaler (même sa propre relecture dudit morceau quand bien même assortie d'un featuring de dingue en la personne de
Vast Aire des
Atoms Family et autres
Cannibal Ox n'y arrive pas).
Mais était-ce sincèrement ce qu'on attendait d'eux. A vrai dire pas spécialement.
Alors quoi ? Sans doute et toujours cette envie de nouveautés, déformation de geek, qui ne sait se satisfaire que de chair fraîche.
Et là, pour le coup, la table est mise et bien dressée.
Lynx & Ram (des rescapés de
Sublight records comme
Ra) offrent leur vision de la course du radis dans une noisy-rock écorchée, cataclysmique et révoltée, des plus fascinantes . Et voilà que nos cerveaux avides se reprennent à rêvasser de futures rencontres : la pythie
Vale Poher, les allumés
The Kills [soupirs...] .
Datach'i tapant dans le breakcore "vénicien" et
La Caution lui répondant d'une refonte totale d'instru qui encore fraîche, n'en finit pas de glisser sous les lyrics d'un
Nikkfurie étrangement nonchalant, dépassent d'une tête la version plus ambient de
Wisp, certes taillée dans de la belle étoffe, douce et soyeuse, mais trop peu sulfureuse, un brin cousu de fil blanc, en quelque sorte .
Avec cette ultime sortie,
Raoul Sinier finit l'année avec 5 disques au compteur. A regarder ce gars de ce seul point de vue statistique, on aurait bien du mal à le croire réellement humain.
A écouter avec quelle audace et pertinence il avance, avec quelle sincérité et intégrité il continue de tracer sa route, on a plus aucun doute sur ce qu'il représente à nos yeux : un artiste complet, debout et entier... vivant, en vrai !
Chroniqué par
Yvan
le 22/01/2008