On le dit déjà depuis un petit moment dans ces pages : l'avenir de la pop se joue actuellement de l'autre côté de l'Atlantique. On ne compte plus les groupes de Montréal et de Toronto applaudis ici et là, à tel point que le Canada est devenu un label, presque un gage de qualité à lui tout seul. Alors on serait tenté de se méfier de toute nouvelle sortie, de regarder avec suspicion toute formation originaire des rives du Saint Laurent ou du Lac Ontario.
Mais l'écoute des premiers titres de
The Besnard Lakes Are the Dark Horse suffit à lever toute méfiance. Les
Besnard Lakes sont loin d'être des clones sans saveur de
Arcade Fire ou de
Broken Social Scene, des doublures qui exploiteraient paresseusement un filon déjà bien entamé. Attention, même si elle ne se déprend pas d'une grande exigence, la démarche n'est cependant pas celle de chercheurs du son, d'avant-gardistes de la pop. Non, la musique des montréalais ne prospecte pas de nouvelles pistes, mais au contraire effectue un travail de remodelage, de réagencement d'éléments, de références identifiées, en les faisant sonner et résonner comme jamais.
Ce sont plus de quarante ans d'histoire du rock et de la pop sélectionnés avec soin et goût qui dansent entre nos oreilles tout au long des quarante-cinq minutes que durent l'album. La strate originale, l'influence fondamentale est assurément celle de la pop psychédélique. Dès le morceau d'ouverture, les
Besnard Lakes citent magnifiquement Brian Wilson et les
Beach Boys (
Disaster,
Cedric's War). Douceurs harmoniques des voix, fulgurances électriques des guitares, habillage de cordes, rythmes obsédants allant en s'intensifiant. La production est impressionnante, digne des grands albums du
Pink Floyd des seventies, convoqué de manière (trop) appuyée un peu plus loin (
And You Lied to Me). Et tout comme la formation de Syd Barrett, les
Besnard Lakes savent marier à merveille un space rock épique, voire ronflant (
Devastation) et une pop plus éthérée, plus sensible.
Les
Beach Boys et
Pink Floyd ne sont pas les deux seules références à l'œuvre dans
The Besnard Lakes Are the Dark Horse. On y entend clairement l'influence de
My Bloody Valentine, de ses guitares saturées et de ses chœurs asthmatiques, ce qui a fait dire un peu abusivement à certains que les
Besnard Lakes s'inscrivent dans la veine du post-rock canadien (
Because Tonight). On préférera mettre en avant l'ombre portée du shoegazing,
My Bloody Valentine donc, mais aussi la formation trop souvent oubliée de Jason Pierce,
Spiritualized (
For Agent 13).
Légèrement décevant sur sa fin,
The Besnard Lakes Are the Dark Horse est l'œuvre moins de créateurs de génie que de faiseurs talentueux. On a plaisir à écouter ses compositions minutieusement exécutées, ce qui déjà n'est pas si mal.
Chroniqué par
dfghfgh
le 11/04/2007