The National revient sur le devant de la scène indé US après son mélancolique et trop poli
Sad Songs for dirty lovers. Matt Berninger et sa vaillante troupe originaire de Cincinnati - les frères Scott (guitare), Bryan Devendorf (batterie), les frères Bryce (guitare) et Aaron Dessner (basse)- sont désormais New-yorkais d’adoption. Ils ont trouvé en Big Apple l’inspiration poétique, provenant de cette concentration urbaine et humaine intense qu’ils retranscrivent avec talent dans douze tracks d’une égale justesse. Le groupe réussit cette fois l'exploit d'atteindre l'excellence, avec maturité, en oubliant la douceur enfantine du dernier opus au profit d'une rage mesurée, mais qui explose littéralement aux oreilles.
The National a trouvé son équilibre.
Il y a l'héritage de Joy Division et d'une pop adulte néo-trash. Une virée au son de titres parfois tranquillisants, souvent déroutants car bénéficiant d'un songwriting efficace. L'ivresse des paroles et un rythme quelque peu agressif remuent les chansons les plus folk. Du coup on se laisse facilement avoir par l'évolution mélodieuse de chacun des morceaux, lesquels jouent habilement entre pop rock académique et grognements de douleurs psychiatriques, des cris de désespoirs jamais étouffants, surtout très enivrants : une élégance et une unité de ton remarquable. La voix de Matt est grave, pleine d'une espérance bien sombre. Guitares, piano, violon s'amusent à s'entremêler sans retenue, servant des mélodies exceptionnellement soignées, sans l'ombre d'une seule faute de goût.
Secreet Meeting sonne très New-Yorkais, introduisant l’album avec légèreté, rempli d’une ivresse romantique déstabilisante pour ceux qui tentent d’en interpréter le sens.
Karen surprend par sa mélodie infiniment minimaliste et ses paroles méchamment envoyées.
Friend of mine malgré son côté délibérément serein, prouve toute l’importance que le band met à servir une mélodie simple, tranchante, jamais redondante.
Abel fait hommage à la batterie omniprésente de justesse dans
Alligator, sans artifice et toujours à la frontière entre tonalités pop et punk. Mais, le bijou de l'album est sans conteste
Mr November, qui se déchire entre braillements anesthésiants et folie communicative de Matt, lequel se libère: comme s'il souhaitait nous convaincre d'un réalisme qu'il a perdu, tellement plongé dans un monde musical auquel le groupe dessine ses propres contours, mais aussi ses limites qu'il faudrait dans l'avenir explorer. Ca tombe bien, beaucoup désormais sont prêts à tenter l'aventure avec eux.
Chroniqué par
Loa Ju
le 05/03/2006