Un songbook, pour quoi faire ? Pour revisiter le répertoire populaire américain dans une sonoclastie qui ferait se rejoindre le punk et la musique pour orchestre, contemporaine pour être plus précis. Quelque chose d’aussi improbable que la réunion sur un même disque des
Sex Pistols et de
Conlon Nancarrow, le tout interprété par
Bang on a Can. Improbable, si un esprit post-moderne en diable ne s’était pas mêlé de la partie, pour accoucher de ce disque.
Approche qui met en jeu très peu d’intellect mais beaucoup d’affect, d’intuition et d’énergie, selon une approche qui convoque aussi bien
John Zorn et
Nico (dont certaines chansons sont reprises) que
Steve Reich,
Pierre Boulez que
John Coltrane. Et qui s’inscrit donc moins dans une démarche déconstructiviste que dilacératrice, les musiciens faisant manifestement preuve d’un soin méticuleux à tout saloper, mettre en pièces, réduire en lambeaux, sans jamais entrer dans l’esprit de géométrie qui caractérise les approches déconstructives.
Et donc, nous voilà embarqués dans le grand livre des chansons américaines, sorte d’ouvrage impie dont la préface contient à elle-même tout le projet, qui passe sans sourciller de l’orchestration symphonique aux explosions de guitares électrifiées, aux sections de cuivres pulsées et free avant de finir en ballade folk. Ici,
Anti-Social Music rend un hommage grotesque à
Steve Reich, ailleurs, le groupe s’en prend au blues, le gonfle à coups d’arrangements et d’orchestrations toujours balancées entre dissonance et harmonie, parfois un peu attendues, souvent déjà entendues, certainement trop référencées et dissimulées seulement par la joie dégagée du jeu collectif. Une petite déficience dans l’originalité de l’écriture que rachète la singularité du projet.
Pour peu qu’on ne refuse ni le punk des premiers temps, ni la musique contemporaine, ce disque devrait satisfaire tous les appétits d’ouverture.
Chroniqué par
Mathias
le 29/01/2006