«Tha Game Will Neva Be The Same». Si la formule peut faire sourire, difficile de nier sa pertinence pour présenter le deuxième album de
TTC. Certes, la sortie de
Dans le Club et la participation de
Tekilatex et
Cuizinier sur
Beat Down avaient donné un avant-goût du changement à venir. Mais rien n’avait préparé la scène hip-hop/electro française à un tel vent de fraîcheur et de controverse.
Une fraîcheur qui se veux d’abord instrumentale, grâce aux deux «nouvelles» recrues de la maison, les omniprésents
Para One et
Tacteel. Au sommet de l’édifice,
Para One ne cesse d’enfiler les perles, en colorant ce
Bâtards Sensibles de sonorités électroniques riches en modulations de toutes sortes : basse lourde et synthétique (
Dans le club), sonorités grime (
Du sang sur le dance-floor) et réminiscences eighties (
Le chant des hommes), qui se conjuguent en apothéose sur le sublime
J’ai pas sommeil.
Tido, de son côté, se la joue dirty south (
Rap Jeu) et revisite le carnaval caraïbéen avec brio (
Latest Dance Craze), pendant que
Tacteel se fait remarquer avec les clicks & cuts de
Ebisu Rendez-Vous et lâche le morceau de booty que tout le monde attendait (
Girlfriend), scratches d’
Orgasmic à l’appui.
Poussés en avant par le travail de leurs beatmakers, les trois rappeurs suivent instantanément la tendance, en modelant leur flows et en affirmant leur personnalités à mesure que le disque évolue. Gangster jusqu’au-boutiste,
Cuizinier collectionne ainsi les punchlines et fait preuve d’une assurance surprenante, pour mieux dévoiler son charme latin sur les confessions de
Bâtard Sensible. De son côté,
Tido a gagné en clarté, malgré une tendance récurrente à se perdre dans ses propres couplets, comme sur la fin de
Du sang sur le dance-floor.
Tekilatex, enfin, s’approprie la grande partie de l’album par son charisme et son audace. Flow ultra-rapide sur les percussions de
Latest Dance Craze, air disco-pop sur
Le chant des hommes et refrain possédé le temps d’un
Bâtard Sensible faussement sirupeux, le mc élevé à l’hélium dévoile également tout son talent d’écriture dans les parties plus intimistes que sont
Ebisu Rendez-Vous ou
J’ai pas sommeil.
Cependant, c’est justement cet effort de composition qui se trouve au cœur de la controverse. Les grincements de dents ont fusé à l’écoute de
Girlfriend, et l’ambiguïté de l’hommage chuchoté sur
Du sang sur le dance-floor n’a évidemment pas arrangé la situation. Principale composante du problème, l’effort du groupe à tendre vers une forme de neutralité verbale qui crée inévitablement une diversité d’interprétations. De ce fait, certains verront dans les paroles de
Girlfriend une misogynie gratuite, alors que d’autres les écouteront comme un hommage déguisé au rap façon dirty south et à
Detroit Grand Pubahs.
Reste ainsi à choisir votre camp dans cet album où, comme le rappelle
Rap Jeu, vous êtes l’anti-héros. Un choix moins ardu qu’il n’y paraît, car derrière l’apparente lourdeur des textes de
Bâtards Sensibles se cache un exercice de style tout en finesse, qui confirme la qualité de ce disque à la fois en avance sur son temps et débordant de nostalgie.
Chroniqué par
David Lamon
le 16/11/2004