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L'Oldie de la semaine

: Mark Hollis (1998)



Il y a vingt ans, le chanteur de Talk Talk, Mark Hollis, mettait un point final à sa carrière avec un album solo d'une beauté intimiste bouleversante. Retour sur l'un des authentiques chefs d'œuvre oubliés de la pop ...

"Le reste est silence" (William Shakespeare)

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En me replongeant dans l'année 1998 dans l'optique de fêter comme il se doit les vingt ans d'un album m'étant cher, je me suis retrouvé le temps d'une fraction de seconde face à l'embarras du choix. Il est certain que cette année fut passionnante à bien des égards : elle continuait tout d'abord de dévoiler les richesses de certains courants émergents tels que le post-rock (Tortoise / Gastr Del Sol) et l'IDM/Glitch (Autechre / Boards of Canada / Oval), elle laissait ensuite quelques groupes et artistes s'aventurer dans de nouvelles contrées en toute indépendance (Sonic Youth / Fugazi / PJ Harvey / Beastie Boys), enfin elle nous offrait de précieux joyaux de songwriting (Elliott Smith / le posthume Sketches for my Sweetheart the Drunk de Jeff Buckley) ainsi qu'un grand disque pudique que l'on attendait pas de la part des Smashing Pumpkins. Une belle année, vraiment.

Puis en 1998 il y a eu l'album solo de Mark Hollis. S'avancer en disant que ce dernier dépasse tous les albums sus-cités serait faire fausse route tant celui-ci se détache de tout esprit de compétition, de tout classement si ce n'est peut-être le classement des inclassables. Ne plus chercher à être meilleur que les autres et toujours au top mais plutôt tenter de devenir la meilleure version de soi-même, "d'être" pleinement. C'est en cela que cette œuvre sans nom, la première et la dernière de son auteur, bouleverse au plus haut point. Rappelons quavant ça Mark Hollis était un chanteur ayant rempli les stades et vendu des disques à foison avec son groupe Talk Talk et les tubes synth-pop qu'on lui connait (Such a Shame, It's My Life), Il décida ensuite de donner une voie beaucoup plus personnelle à son groupe jusqu'au sublime Laughing Stock en 1991, véritable suicide commercial mettant fin au groupe dans un coup d'éclat continuant encore d'émerveiller les curieux et tant d'autres. Avec Talk Talk, le britanique aura finalement tracé une trajectoire inversée de l'idéal que beaucoup se font de l'artiste, passant du succès à un certain anonymat plutôt que l'inverse, tout cela au profit d'une démarche purement artistique.

Avec cet album solo, Mark Hollis poursuit donc ce chemin vers l'épure de la dernière période de Talk Talk en livrant l'un des albums les plus intimistes de l'histoire de la pop. Un album souvent insaisissable, qui murmure, qui caresse, qui déboussole aussi. Cet album nous fait surtout découvrir un artiste s'affranchissant de tout pour ne retenir que l'essence de sa musique, soit des notes et des silences, beaucoup de silences. Le chanteur admettait justement à une époque ne vouloir écrire que des chansons ne tenant que sur trois ou deux notes, voire une seule si c'était possible, tant qu'une forme de quintessence était atteinte. Ainsi cet album solitaire est la fin d'un long cheminement musical pour Mark Hollis qui n'en donnera d'ailleurs aucune suite. L'instrumentation évoque ici autant les rêveries debussiennes (la magnifique Inside Looking Out) que le jazz 60's de Miles Davis (A Life (1895-1915), The Daily Planet), la douceur mélancolique propre à la voix du chanteur devenant elle aussi instrument à part entière. Il faut d'ailleurs écouter ces compositions au casque et s'y immerger pleinement pour mesurer le travail de captation sonore qui a été réalisé, au plus près de ces musiciens en totale osmose, au plus près des instruments et de leurs acoustiques rendues presque palpables, au plus près de la voix de Mark Hollis, de sa respiration et de ses silences.

L'album commence et se termine par quelques secondes de silence. Si les premières sont une forme d'invitation au calme et à la retenue afin de mieux entrer dans cette musique propre au recueillement, les dernières semblent en revanche faire écho à l'impression laissée par Mark Hollis sur l'auditeur à la fin de ce parcours touché par la grâce, réduit au silence par tant de beauté.



par Romain
le 29/03/2018

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2 commentaires

par dimitri (le 22/10/2018)
Pas très clair l'histoire de tout faire tenir sur une note ou deux. Il y a des passages de cet album qui sont très fournis en instrumentalisation bien qu'il soit vrai que jamais plus on ne déborde dans les excés de Laughing Stock. Il faut ajouter que la pochette de l'album présente un objet laid difficilement identifiable; un de ces objets auquels on s'est attaché sans raison et qui fait maintenant parti de notre quotidien.

par Derrien (le 07/09/2018)
Entierement d accord avec cette excellente critique et analyse..je reste malheureusement et comme bcp d autres sur une grosse faim, née justement de cet album solo mythique..alors, réécoute des 2 derniers albums de Talk talk et cet album.
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