Je ne suis pas sûr — à vrai dire, si, je suis certain que ce n'est pas le cas — je ne suis pas sûr que les réflexions des illustres membres des 13th Floor Elevators furent aussi profondes que celles de Rob, notre héros d'un soir. Pourtant, c'est à lui que je dois — et c'est à lui qu'à mon avis, nous la devons tous — la connaissance de ce chef-d'œuvre de la musique pop. C'est au début de High Fidelity (qui, avant d'être un bon film fut un livre que je n'ai jamais lu jusqu'au bout, quelques pages tout au plus), on entend ce You're gonna miss me, et voice over, cette question d'une profondeur abyssale : Did I listen to pop music because I was miserable, or was I miserable because I listened to pop music ?
C'est vrai qu'on ne le saura jamais, pas plus qu'on ne saura jamais qui, d'Aristote ou de Spinoza, a raison, et si c'est parce qu'une chose est bonne que nous la désirons ou si c'est parce que nous la désirons qu'elle est bonne.
Qu'est-ce qui est venu en premier : le malheur ou la musique ?
Et moi, je voudrais dire que c'est les deux : la maladie et le remède. En un seul et même moment, en un seul et même mouvement musical, nous avons découvert, dans la musique, et le malheur et le moyen d'y mettre un terme. C'est dans la musique que nous découvrons nos émotions les plus profondes, parce qu'elle nous parle de la douleur que nous éprouvons en aimant, en désirant. C'est aussi dans la musique que nous découvrons le moyen de mettre un terme à cette douleur, aussi longtemps que la musique dure.
Je me doute que les 13th Floor Elevators ne se souciaient pas vraiment de cette métaphysique de la pop, mais, dans les années 1960, ils trouvaient un remède puissant, et encore efficace aujourd'hui, à nos crampes sentimentales. Le mec dans la piscine m'en est témoin.
par
Jérôme Orsoni
le 30/06/2013
