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Nördik Impakt

: Édition 2003



Notre compte rendu

A Caen en Normandie se déroulait du 18 au 22 novembre 2003 la cinquième édition de Nördik Impakt, festival dont la vocation est " de défendre, de faire reconnaître et de partager la richesse des cultures électroniques (musique, visuels, design, danse) ". Pour son cinquième anniversaire, l'événement s'étend à cinq jours et aux quatre coins de la ville. Plus de 15 000 personnes lors de la grande soirée du samedi.
Bien sûr, InfraTunes était présent.


Mardi


La projection de Interstella 5555 de Leiji Matsumoto, le créateur de la série animée Albator, a connu quelques difficultés : pas de son, ce qui est pour le moins embêtant quand on sait qu'il s'agit d'un film de japanimation innovant tout autant qu'une succession de clips pour les quatorze morceaux de Discovery, le second album de Daft Punk, mais a fini par avoir lieu après avoir été déplacé de l'Université au Cinéma d'Art et d'Essai Lux.


Cette séance exceptionnelle succédait à une soirée consacrée au label Warp. La référence en matière de musiques électroniques nous offrait une sélection de courts-métrages et de clips de morceaux de ses meilleurs artistes. Au programme : Aphex Twin, Autechre, LFO, Plaid, Chris Clark… Outre les clips subversifs et drolatiques, encore narratifs (de vrais petits courts-métrages) d'Aphex Twin (" Donkey Rhubard " par David Shade, " Come to Daddy " et " Windowliker " par le fameux Chris Cunnigham), on retiendra surtout les productions de Alex Rutterford (" Gantz Graff ") et, encore une fois, de Chris Cunnigham (" Second Bad Vibell ") pour Autechre. Elles montrent parfaitement ce que devrait toujours être un clip : plus qu'une simple illustration visuelle du morceau, une véritable fusion image/musique, une véritable entre-expression de ces deux éléments.


Mercredi:


Dans l'auditorium béton et bois du musée des beaux-arts, le " Tokyozone Tour 2003 ", suite logique de la soirée Warp de la veille, faisait une escale à Caen. Deux parties. En premier lieu, la performance de Suguro Goto, compositeur et artiste multimédia japonais, résidant en France. Plus proche de l'art et de la musique contemporaine que des musiques électroniques, Suguro Goto proposait une performance audio-visuelle, déjà présentée à Beaubourg il y a un mois, et qui pousse (encore plus loin que les artistes du label Warp…) l'expérimentation musicale. Deux macs sur scène, un écran pour une musique effrayante tout d'abord puis capitivante, hypnotique ensuite, avec des samples de voix trafiquée de la pièce radiophonique d'Antonin Artaud, Pour en finir avec le jugement de Dieu, dont le texte apparaissait à l'écran comme motif au milieu d'autres formes géométriques abstraites en mouvement ou de corps humains et de mains modélisés en trois dimensions. L'artiste agissait en direct sur sa composition aussi bien sur la musique que sur les images. Le second moment de la performance accueillait Yoko Kamtani, revêtue du " BodySuit ", costume technoïde équipé de capteurs de résistance permettant grâce aux mouvements du performeur de modifier son et image vidéo en temps réel. Une expérience inédite, totalement fascinante et ouvrant des perspectives inimaginables ; alors que traditionnellement, en danse, le corps réagit en mouvement à la musique qu'il entend, le " BodySuit " donne la possibilité au corps de créer la musique par son mouvement. Il y a alors parfaite coïncidence de la gestuelle et de la musique. Il y a même identité.


La seconde partie de la soirée " Tokyozone Tour 2003 " laissait place à la projection d'un des plus célèbres films non-parlants de Yunishiro Ozu, Les Gosses de Tokyo ; l'accordéoniste Pascal Contet en assurait la bande-son. Les préjugés sur cet instrument ringardisé n'ont pas tenu très longtemps face à l'intelligence de l'interprétation. Une musique atmosphérique, bruitiste (le musicien arrive à reproduire, à suggérer le bruit d'un moteur de camion en raclant le soufflet de ses doigts ou celui de la caméra de projection en tapotant les touches de son instrument) collant parfaitement au long-métrage d'Ozu. Rien à voir avec la musette.


Au même moment, à la Maison de l'étudiant le gang de Puppetmastaz nous offrait un spectacle de marionnettes rappeuses et funky. Ca, c'est original ! Alternant des morceaux issus de leur album, Creature Funk mais aussi des inédits avec de véritables shows, ils ont réussi à mettre de bonne humeur le public. Malgré des sketches en anglais, ils font l'effort de glisser quelques phrases en français avec un accent de marionnette très drôle. Même sur nos sièges, nous avions envi de danser sur les beats hip-hop et funky. Chaque marionnette incarne un véritable rôle et possède une intonation de voix qui lui est propre. Belle performance lorsque l'on sait qu'ils ne sont pas plus de trois à s'occuper de l'ensemble des marionnettes. Au bout de 40 minutes de spectacle, Mr Maloke nous annonce que le concert est terminé. Quoi ? 40 minutes de spectacle, c'est tout ? Bien sûr que non, on en reprend pour le double, et cette fois-ci avec de nombreux invités comme Peggy la cochonne, et surtout, ELVIS Presley qui nous annonce qu'il n'est pas mort et a préféré rejoindre le clan Mastaz ! C'est sur le morceau tant attendu " Pet Sound " qu'ils clôtureront le show ! Un concert-spectacle vraiment appréciable et appréciés par les 200 chanceux présents pour l'évènement.


Jeudi


Signe qu'électro et hip-hop font bon ménage, après Puppetmastaz, c'est au tour de Kid Koala et ses " amis ", comme il le dit lui-même, de se produire. Le Puzzle est une petite salle intime, sans scène, les artistes jouant au milieu du public. Deux artistes en première partie : DJ Jester proposait un mix classique mais efficace, tant le bonhomme est ouvert et communique avec ses auditeurs, et durant lequel on aura reconnu des morceaux de RJD2 et du très grand DJ Shadow ; Lederhosen Lucil, couettes synthétiques, chapeau et costume folklorique tyrolien (à moins que ce ne soit bavarois), a commis un show loufoque sur une musique décalée au clavier.


L'entrée de Kid Koala, l'artiste le plus sympa et le plus souriant du festival, a déchaîné la salle. Une ambiance torride pour un concert informel où les barrières habituelles entre public et artiste ont explosé. Trois aux platines, DJ P-Love aux percussions, DJ Jester à la basse (ou inversement suivant le morceau) et Kid Koala au thème ont interprété des extraits de ses deux albums, Carpal Tunnel Syndrome et Some of My Best Friends Are DJs ainsi que de la bande-son de sa bande dessinée, Nufonia Must Fall. En véritables artisans des platines, les trois compères se sont livrés à des scratches inouïs montrant combien ils maîtrisent à la perfection leur instrument. On se souviendra longtemps du morceau hommage à Louis Armstrong sur lequel Kid Koala est parvenu à reproduire le son de la trompette tout en scratches… Exceptionnel ! Mais plus qu'à un concert de platines, c'est à cabaret qu'on a assisté : des courts-métrages animés de Monkmus à l'humour noir, des diapositives extraites de Nufonia Must Fall avec les commentaires de Kid Koala (en français, s'il vous plaît) et surtout un bingo (chaque spectateur ayant reçu une grille à son entrée). Très réussi !


Vendredi


Au hip-hop du mercredi et du jeudi devait succéder l'électro-rock du vendredi. De M83 et de Playdoh, on ne verra que les seconds, le duo niçois ayant annulé son concert et viré son tourneur. C'est au pied levé, rentrant de Genève dans la journée où il donnait un concert la veille que Paris the Black Fu de Detroit Grand Pubahs les a remplacé. Première partie : le groupe français Playdoh a joué un rock très instrumental, sophistiqué où les voix des deux chanteurs passeraient presque au second plan, très proche de leur nouvel album, Fragments, sorti en juin dernier. Le premier morceau emprunte des accents aux Boards of Canada, mais très vite c'est plus à un électro-rock digne de The Notwist que l'on pense. La suite du concert sera plus proche du post-rock avec une rythmique complexe, des morceaux en progression des orages de guitares électriques. Le public apprécie et - chose rare - charmé, attend la fin de la dernière note de chaque morceau, attend que les moindres vibrations acoustiques cessent pour se fondre en tonnerre d'applaudissements. Respect est le moment qui s'impose. Respect à ce sextuor hexagonal pour nous avoir procuré des sensations telles qu'on n'avait qu'une envie : se lover dans son fauteuil et planer. L'un des très grands moments du festival !


A la suite, Detroit Grand Pubahs ne pouvait que détonner en débarquant un bonnet sur la tête, une barbe synthétique sur le visage, une veste sur le dos ouverte sur un ventre bedonnant, une serviette de toilette retenue par une ceinture de cuire autour de la taille et des rangers aux pieds. Paris the Black Fu commence par distribuer verres et bouteilles-échantillons de whisky à l'assistance réunie en demi-cercle autour de lui, puis entame une prestation qui ne laissera personne indifférent enchaînant propos et postures grivois, égrillards et gaulois et chansons aux influences soul et funk et à l'instrumentation techno préprogrammée importée directement de Detroit. L'homme a du coffre et surtout une présence physique, charnelle imposante, impressionnante. Il occupe l'espace en véritable showman qu'il est, mais là est peut-être la limite. La salle s'est peu à peu vidée. Excellent show, mais mauvais concert. Certains diront que l'homme est vulgaire, d'autres qu'il est ridicule ; il finira tout de même en slip sans se gêner pour effectuer des palpations testiculaires (se toucher les couilles, oui !). On se demande jusqu'où il ira, mais déception : Detroit Grand Pubahs achève son spectacle par un mix techno des plus convenus, mais pire que ça, il disparaît totalement derrière ses platines… Envolée la présence fabuleuse de l'artiste. Le show est terminé.


Samedi


Enorme. La nuit de samedi était énorme. Le parc des expositions de Caen accueillait la soirée phare du festival sur quatre halls et pas moins de 16 000 m². Nördik Impakt impose sa mesure ; c'est le plus grand festival techno de France. Comme l'année précédente, l'événement a soigné les atmosphères et les ambiances pour cette fois proposer un parcours au travers des différentes échelles de la matière, de l'étincelle à la supernova en passant par l'atome et l'arboretum.
C'est dans le décor végétal de l'" Arboretum " que la fête a commencé avec Palindrome, ersatz de groupe électro-metal. Une musique informe, des borborygmes gueulards. Un mauvais moment. Le décors était charmant : de nombreuses plantes et arbustes parsemaient la salle entièrement recouverte pour l'occasion de terre battue et au centre, un impressionnant arbre déployait ses imposantes branches jusqu'à plafond. Juste à côté, vers minuit, c'était d'entrée de jeu que le duo normand Signal Electrique faisait exploser la " Supernova ", immense hall consacré à la hard techno, véritable hangar à navette spatiale : tarmac, dimensions hors normes, jeux de laser hallucinants, énormes sphères planétaires et étoiles stroboscopiques suspendues dans les airs, myriade d'écrans juste derrière la scène projetant plus de 100 m² d'images en mouvement. Des basses profondes, une rythmique complexe révélant les influences rock et dub de Erik Elektrik et de Frankeinsound. Un set envoûtant tout juste perturbé par l'apparition dénudée de l'exhibitionniste Jean-Louis 2000. On ne parlera pas de l'Anglais Crystal Distorsion et de sa hard techno lancinante et convenue. La performance de Radiobomb a été beaucoup plus passionnante : une hard techno efficace, métissée de drum'n'bass et de dub. Délicieux ! Plus fermé, l'" Atome " avec sa moquette au sol était certainement la salle la plus chaleureuse. Un espace circulaire circonscrit par quasiment 360 degrés d'écrans qu'un système de projection expérimental aurait dû animer et où pouvaient s'exprimer quelques uns des DJ's les plus talentueux du moment : Vitalic, Josh Wink, Ken Ishii, Superpitcher ou le célébrissime Laurent Garnier. On retiendra surtout le set boosté en beats du Japonais qui monte, Ken Ishii. Un son compact ; une musique terriblement efficace, acclamée par un public conquis et accompagnée sur scène par le duo de performeurs asiatiques Geisha Manga : danse rituelle, langoureuse et poétique et exercice de peinture corporelle d'une rare beauté.
Après la contre performance de Palindrome, changement de ton à l'" Arboretum " avec une session électro-dub du groupe montant Lab°. Dans le même trip qu'à tous leurs concerts, les Français ne se sont pas laissés impressionner par un public de plus en plus nombreux. Après un dub froid et assez ambiant, ils nous ont tiré de notre hypnose grâce à une fin de set explosive. C'était ensuite à Miniman de prendre le relais. Derrière ses synthétiseurs, le petit homme saute dans tous les sens sur un son dub aux basses puissantes et aux reverb' intenses. Et le public en fait autant ! Mais la 1ere grosse claque de cette scène dub sera donnée par Irrations Steppas. Les trois vétérans du dub steppa ont le rythme dans la peau et ont réussi à mettre les premiers rangs du public en transe ! Ca dub ! Ca sautille ! Après une heure et demi de concert et de bonheur, la fatigue commençait à se faire sentir et c'est au tour de 220 Sound System de monter sur scène. Et là, c'est le point noir de la soirée. Ils ont ruiné l'ambiance avec un DJ set ragga-dub très médiocre et un chanteur déblatérant des paroles ridicules : " Faya faya, y a du monde dans la place ! On va foutre le feu ! OUAIS, c'est 220 Sound System Represent ! ". Après un détour par la buvette qui était assiégée, retour devant la scène pour le concert qu'on attendait tous : Congo Natty avec en featuring MC Genius et Terry T ! Et on n'a pas été déçu ! Ils nous ont offert un concert ragga/jungle ultra puissant. Oubliés nos maux de jambes, on danse jusqu'à épuisement, enchaînant sur la drum&bass de Fresh & MC Rage (de chez MetalheadZ s'il vous plait) et oubliant le reste de la soirée (les neurones ne suivant plus le rythme élevé des bpm)
Il est plus de 7h00 du matin. L'aventure continue pour encore de nombreux fêtards. Mais exténués et enjoués par cette soirée, et cette semaine, nous quittons le parc des expositions, jusqu'à l'année prochaine ! Evidement !



par Antoine
le 30/11/2003

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